Discours d`accueil de Heydar Aliyev, Président de la République d`Azerbaïdjan, à Knut Vollebeki, président de l`OSCE, Ministre des Affaires Etrangères de la Norvège, à la délégation de l`OSCE qui l`accompagne et à la délégation du Ministère des Affaires Etrangères de la Norvège - Palais présidentiel, le 18 septembre 1999


Heydar Aliyev: Honorable Ministre, honorable Président!

Je vous salue de tout coeur, vous et la délégation venue en Azerbaïdjan, et je vous souhaite la bienvenue en Azerbaïdjan!

A vous recevoir, quelques sentiments nous assaillent. Premièrement, nous coopérons avec l`OSCE depuis déjà de nombreuses années et nos rencontres avec les délégations de l`OSCE sont toujours de dates importantes, et en particulier surtout avec le Président de cette institution internationale.

On sait que la résolution pacifique du conflit arméno-azerbaidjanais dans le Haut Karabagh- le plus grand problème, le plus dur, le plus difficile pour l`Azerbaïdjan - a été confiée à l`OSCE et au groupe de Minsk, émanation de l`OSCE. C`est pourquoi nous vous attendions impatiemment dans cette région en tant que Président en fonction actuellement, et surtout en Azerbaïdjan. Je vous remercie d`être venu.

Vous êtes également Ministre des Affaires Etrangères de la Norvège. Je sais que dans votre délégations il y a des hommes d`affaires et des représentants officiels de Norvège. Il existe une coopération très large entre la Norvège et l`Azerbaïdjan. Le 20 septembre nous célébrerons le cinquième anniversaire du "Contrat du Siècle"- le grand contrat pétrolier signé il y a 5 ans. Un des fondateurs de ce contrat est la société "Statoil" de Norvège. Je peux dire avec plaisir qu`à la mise en oeuvre de ce contrat d`autres sociétés norvégiennes ont aussi participé activement. C`est pourquoi c`est aussi en tant que le Ministre des Affaires Etrangères de la Norvège que nous vous accueillons et je crois que nous avons aussi beaucoup à nous dire dans ce domaine.

Ainsi, maintenant, nous pouvons largement engager les débats. Je vous donne la possibilité de choisir de commencer la discussion par les questions de votre choix. Je vous en prie.

Knut Vollebek: Monsieur le Président, merci beaucoup de nous accueillir aussi chaleureusement, cette grande délégation qui m`accompagne et moi-même.

Je me réjouis que cela soit la première visite du président de l`OSCE dans cette région. Je vous demande d`excuser le fait que nous n`ayons pas eu la possibilité d`effectuer cette visite un peu plus tôt, le temps ne l`a pas permis. Maintenant que la possibilité existe, j`y suis enfin.

Mais comme vous me recevez aussi en tant que Minsitre des Affaires Etrangères de la Norvège, je voudrais dire quelques mots sur les relations bilatérales entre nos pays. Tout d`abord, le Souverain de Norvège vous salue. Il se rappelle bien votre visite officielle en Norvège de 1996. En général, ces dernières années le nombre des pays avec lesquels la Norvège développe de si profondes relations se réduit.

Monsieur le Président, vous avez bien souligné que les fondement de cette coopération ont été posés par la société d`Etat des Pétroles de Norvège "Statoil". Et les autres sociétés norvégiennes ont poursuivi cette coopération. Mais heureusement cette coopération, entamée dans le domaine de pétrole, couvre aussi bien d`autres domaines.

Monsieur le Président, évidemment vous avez reçu la lettre du Premier Ministre de Norvège. Il vous a envoyé cette lettre à l`occasion de la cérémonie solennelle que vous organiserez le 20 septembre, pour le cinquième anniversaire du "Contrat du Siècle".

Aujourd`hui je me suis rendu dans un des camps où se sont installés les réfugiés. J`ai vu que le Conseil des Réfugiés de Norvège y travaille activement et entretient une coopération étroite avec les officiels de votre pays. Ceci est une parfaite illustration des bonnes relations entre les ONG de Norvège et les autorités officielles de votre pays.

Monsieur le Président, j`ai rencontré le Ministre des Affaires Etrangères de l`Azerbaïdjan. Nous avons diné avec lui. A midi, nous sommes allés au Théâtre des Marionnettes où nous avons assisté à un spectacle. Nous y avons écouté des musiques azerbaïdjanaise et norvégienne. Les enfants réfugiés chantaient en choeur. C`était un très grand spectacle théatralisé. Au milieu du spectacle le bateau "Viking" est apparu sur la scène. Sur le bateau il y avait les drapeaux de l`Azerbaïdjan et de la Norvège.

Il me semble que nous devrions entretenir de telles relations dans l`avenir. Le Premier Ministre de l`Azerbaïdjan a accepté notre invitation. Je pense qu`il effectuera très bientôt une visite en Norvège. L`année prochaine, nous attendrons le Ministre des Affaires Etrangères de votre pays en Norvège.

On sait que je suis venu tout d`abord en tant que Président actuel de l`OSCE. Bien sûr, en tant que Président la situation dans le Caucase m`inquiète beaucoup. Malgré que les hostilités soient pour l`heure suspendues entre l`Arménie et l`Azerbaïdjan, comme partout, comme conséquences d`un conflit, on trouve des réfugiés des deux côtés. Les difficiles conditions de logement des réfugiés et les problèmes que la guerre a soulevés nous inquiêtent beaucoup. La situation d`après guerre a aggravé la vie des gens ordinaires. C`est pourquoi j`ai la conviction générale que cela représente un danger pour le processus de paix dans cette région.

Monsieur le Président, Je me rappelle avec grand plaisir notre rencontre à Washington. Cette rencontre s`est passé dans de bonnes conditions. Les Ministres des Affaires Etrangères, aussi bien que les Présidents de la Géorgie et de l`Arménie, participaient à cette rencontre. A cette rencontre, en général, le souhait d`avancement vers la solution du conflit avait été exprimé. Après cette rencontre, les événements se sont développés dans un sens positif. Vous avez rencontré votre homologue arménien. Votre Ministre des Affaires Etrangères a également rencontré celui de l`Arménie.

Il y a deux semaines que j`ai rencontré les trois co-Présidents du groupe de Minsk à Oslo. Nous avons discuté une série de questions lors cette rencontre. Les co-Présidents m`ont informé que vous aviez exprimé le souhait que le groupe de Minsk et, en général l`OSCE intensifie davantage son travail, participe plus activement à la recherche d`une solution au conflit. Bien sûr, nous comprenons totalement les obligations dont nous nous sommes chargés. Mais également, nous jugeons que les négociations, les rencontres bilatérales sont très importantes pour la résolution pacifique du conflit. Et moi, ainsi que les trois co-Présidents, nous sommes prêts à apporter notre soutien à cette question que vous avez soulevée.

Le 29 septembre, les Ministres des Affaires Etrangères de l`Azerbaïdjan et de l`Arménie se rencontreront à New York. Nous avons consenti avec le Ministre des Affaires Etrangères de votre pays qu`immédiatement après cette rencontre que nous garderions un contact téléphonique et que nous mènerions un échange de vue sur le déroulement de cette rencontre et sur les accords obtenus pour voir quel appui l`OSCE peut apporter de son côté.

Monsieur le Président, je suis très content de nos rencontres en Arménie. A Erevan, en général, on considère positivement ces rencontres bilatérales. Ils s`accordent sur le point que sans compromis on ne peut pas résoudre ce conflit. Hier quand j`y suis arrivé, j`étais accompagné de trois prisonniers, ce qui en est une illustration. Leur libération sans réserve et unilatérale montre que l`Arménie est prête à libérer tous les prisonniers jusqu`au jour du sommet de l`OSCE.

Monsieur le Président, il me parait que pour poursuivre cette conversation je dois vous passer la parole. Mais je veux aussi soulever une question. C`est la question de l`ouverture d`un bureau de l`OSCE à Bakou. Nous avons discuté cette question avec votre Ministre des Affaires Etrangères. L`Azerbaïdjan est un des membres actifs de l`OSCE. Nous apprécions la participation active de l`Azerbaïdjan à l`OSCE. Nous pensons que l`ouverture d`un bureau de l`OSCE à Bakou peut apporter sa contribution au développement accru de nos relations et à la mise en oeuvre des projets planifiés par l`OSCE ici.

Notre ambassadeur travaille activement en Azerbaïdjan au nom de l`OSCE. Un mémorandum a déjà été signé dans ce domaine. Notre travail ne se limite pas à cela. Il me semble que l`ouverture d`un bureau de l`OSCE à Bakou serait utile à l`envergure de notre travail. Merci beaucoup, Monsieur le Président.

Heydar Aliyev: Premièrement, je remercie le Souverain de Norvège pour son salut et je vous prie de transmettre mes salutations et mes meilleurs voeux à Son Excellence le Souverain.

C`était une belle visite. Je pense que les rencontres, les négociations, les documents signé, tout ce que nous avons accompli à cette époque-là ont jeté la base du cadre juridique réglant les relations entre l`Azerbaïdjan et la Norvège et ont ouvert des possibiltés pour l`intensification de leur développement.

Je vous remercie encore une fois pour les bonnes relations, l`hospitalité, la sincérité qu`on m`y a réservé. Je me rappelle que nous avons eu de bons entretiens et de bonnes promenades à Oslo. Nous sommes allés avec plaisir au musée de Thor Heyerdal, qui est un vieil ami à moi et de l`Azerbaïdjan, et nous l`avons vu, nous avons reçu des informations détaillée sur ses voyages.

Thor Heyerdal est venu quelques fois en Azerbaïdjan et il est un de nos très proches amis. Nous l`aimons beaucoup. Je vous prie de transmettre mes salutations et mes meilleurs voeux à Monsieur Thor Heyerdal. Une de ses idés est que les racines des Norvégiens sont en Azerbaïdjan, qu`ils y ont vécu autrefois, et qu`ensuite ils se sont déplacés vers l`endroit où ils demeurent maintenant. Bien sûr, il faut étudier attentivement les opinions de Monsieur Thor Heyerdal car il est un homme très intelligent et un homme de profonde érudition.

En Norvège, j`ai pu observer le développement intensif, en peu de temps, de l`industrie pétrolière. L`Azerbaïdjan est un antique pays de pétrole. Il y a des dizaines et des centaines d`années qu`on y exploite le pétrole. Mais en Norvège, en 25-35 ans, la question de l`exploitation du pétrole "on shore" a été bien résolue. Je l`ai observé dans la ville de Stavanger, ensuite sur la plateforme en mer. Tout cela m`a laissé de bonnes impressions. C`est pourquoi je les rappelle avec plaisir. Je déclare encore une fois que désormais notre coopération avec la Norvège, dans le domaine économique et dans d`autres peut se développer rapidement. Nous y sommes favorables.

Bien sûr que la relation de l`Azerbaidjan avec l`OSCE est multiforme. Mais ces dernières années, la questions la plus attendue par nous de la part de l`OSCE, surtout depuis 1992, c`est qu`elle apporte une aide à l`émergence d`une solution pacifique au conflit arméno-azerbaïdjanais. Nous coopérerons toujours avec le groupe de Minsk de l`OSCE.

Nous sommes parvenu à avancer dans une certaine mesure lors du sommet de Budapest, au mois de décembre 1994 et à celui de Lisbonne, au mois de décembre 1996, de l`OSCE. Je veux souligner qu`après le sommet de Lisbonne, en 1997, le groupe de Minsk de l`OSCE a été très actif. Désormais, la responsabilité tombe sur la Russie, les Etats-Unis, la France. Au mois de juin et de septembre 1997, le groupe de Minsk de l`OSCE a lancé des propositions dans le sens d`une résolution pacifique du conflit. Nous avons accepté les propositions lancées au mois de juin. Mais l`Arménie ne les a pas acceptées. Ensuite, c`est nous qui avons accepté les propositions lancées au mois de septembre, l`Arménie ne les a pas acceptées.

On peut dire qu`à la fin de 1997, nous nous sommes approchés de très près d`une solution pacifique au conflit sur la base des principes adoptés lors du sommet de l`OSCE de Lisbonne. Mais à cause de la position non-constructive de l`Arménie ce processus s`est arrêté. Vous savez, ensuite, qu`il y a eu un changement de pouvoir en Arménie, Levon Ter Petrossian a démissionné, de nouvelles élections présidentielles ont eu lieu. Ainsi, on peut dire qu`on peut évaluer l`année 1998 comme celle d`une lacune dans l`activité de l`OSCE, c`est-à-dire du groupe de Minsk dans ce domaine.

Et ensuite au mois de novembre 1998, le groupe de Minsk de l`OSCE a soudainement lancé des propositions inattendues et ceci a intensifié tout le processus de toutes les négociations. C`est à dire qu`on nous a proposé de résoudre le conflit arméno-azerbaïdjanais d`une manière pacifique, nous devions adopter le principe "d`Etat général" en Azerbaidjan pour qu`un Etat comme le Haut-Karabagh soit rétabli dans le cadre territorial de l`Azerbaïdjan, ainsi, soi-disant, l`intégrité territoriale de l`Azerbaïdjan serait sauvegardée.

Nous ne pouvions pas accepter cette proposition. Il est naturel que nous l`ayons refusée. Mais il est regrettable que désormais on puisse dire que le groupe de Minsk a interrompu son activité. Il nous reste cette impression qu`en 1997 le groupe de Minsk a lancé une proposition, que l`Azerbaïdjan l`avait acceptée, que l`Arménie ne l`avait pas acceptée. Puisque l`Arménie ne l`avait pas acceptée, une deuxième proposition a été lancée, l`Azerbaïdjan l`a acceptée, l`Arménie n`a pas accepté. Une troisième fois, le groupe de Minsk a lancé une proposition telle que l`Azerbaïdjan ne pouvait pas l`accepter. D`autre part, cette proposition a été lancée après un an de pause. Il en a resulté que, puisque l`Azerbaïdjan ne l`a pas acceptée, le groupe de Minsk a interrompu son activité.

On peut en tirer la conclusion que le groupe de Minsk considère unilatéralement cette question et adopte une position non-objective envers l`Azerbaïdjan. Elle trouve normal que l`Arménie n`accepte pas une proposition que nous avons accepté, mais elle trouve pas normal que nous n`acceptions pas une proposition que l`Arménie accepte. Elle trouve normal que l`Arménie accepte la proposition que nous n`acceptons pas.

Il y a maintenant un an qu`on nous reproche de n`avoir pas souscrit au principe "d`Etat général" et de ce fait le groupe de Minsk ne fait plus de nouvelle proposition. Mais lorsque l`Arménie refuse une proposition lancée par le groupe de Minsk, on ne disait rien à l`Arménie et simplement, on trouvait qu`il fallait rédiger une nouvelle proposition. C`est pourquoi je trouve que l`activité du groupe de Minsk est très faible depuis 1997. Depuis le mois de novembre 1998, après la proposition de la formule "d`Etat général", le groupe de Minsk prit une position non-objective envers l`Azerbaidjan. Ceci nous inquiète beaucoup.

L`ambassadeur spécial pour le conflit arméno-azerbaïdjanais du Président des Etats-Unis était arrivé en Azerbaïdjan au début du mois de septembre. Deux jours après, le Ministre des Affaires Etrangères de Russie est arrivé en Azerbaïdjan. J`ai mené des négociations franches, transparentes et fondamentales avec le représentant de l`Amérique et avec celui de la Russie. Cela a eu lieu à la veille de leur rencontre avec vous à Oslo. Je leur ai demandé qu`ils transmettent au Président de l`OSCE à Oslo que nous ne pouvions pas accepter cette formule de "l`Etat général". Nous attendons du groupe de Minsk qu`il lance une nouvelle proposition qui convienne aux deux parties.

Le groupe de Minsk veut expliquer sa faible activité ou son inertie en 1999 par le fait qu`un processus de négociations directes a été engagé entre le Président arménien et celui de l`Azerbaïdjan. C`est pourquoi ils attendaient les fruits de ce processus de négociation. Ensuite ce sur quoi nous nous accorderons, ils vont y consentir aussi, ou bien ils vont le discuter.

Au mois d`avril quand nous étions avec vous à Washington, avec la participation de quelques autres pays, il y eut une rencontre des Présidents des pays du Caucase du Sud - Géorgie, l`Arménie et l`Azerbaïdjan. Comme vous, je trouve cette rencontre importante.

Pendant ces quelques jours, il y eut une rencontre en tête à tête entre Kotcharyan, le Président de l`Arménie, et le Président de l`Azerbaïdjan. Cette rencontre aussi a été importante et nous l`avons tenue. Après nous nous sommes rencontrés deux fois à Genève, une fois à Yalta. Je pense que ces rencontres contribuent à faire apparaître une solution pacifique à cette question. Nous pouvons mieux nous comprendre l`un l`autre et mieux expliquer l`un à l`autre nos problèmes. Mais la question du consentement est très difficile. Non pas parce que nous ne le voulons pas. Je sens que le côté arménien aussi le veut. Mais l`Arménie le veut en demandant qu`on accorde un statut d`indépendance au Haut-Karabagh ou un statut avoisinant. C`est pourquoi nous ne pouvons pas avancer sur cette base après ces rencontres.

Oui, nous - le Président arménien et moi -, nous avons déclaré qu`il fallait impérativement faire des compromis. Et ceci bien qu`après notre rencontre avec le Président arménien à Genève, mes déclarations relatives aux compromis faisaient l`objet de critiques par l`opposition en Azerbaïdjan et il y a des réticences, -je vous dis encore une fois qu`il faut que nous fassions des compromis. Sans faire des compromis nous ne pourrons pas résoudre cette question.

Les compromis ont des limites. Cela doit se faire de sorte que l`intérêt de notre pays, nos intérêts- comment peut-on dire ?-, ne soient pas écrasés. Je pense que nos rencontres peuvent se reproduire dans l`avenir et qu`elles peuvent aider l`émergence d`une solution pacifique à cette question.

Mais néanmoins, cela ne veut pas dire un retrait complet du groupe de Minsk de l`OSCE. Nous -les deux Présidents -, nous organisons ces rencontres simplement, pour profiter de ce moyen et d`autres moyens. Mais il est regrettable qu`un état d`immobilisme se soit imposé dans le groupe de Minsk de l`OSCE au motif de ces rencontres, soi-disant; ces rencontres donnerons un certain résultat, ensuite vous le justifierez, tout simplement. Nous ne sommes pas d`accord avec cela. Je vous le dis aussi : le groupe de Minsk doit lancer une nouvelle proposition, convenable pour tous pour les deux parties. Je le dis avec une grande inquiétude. Cette question s`est tellement éternisée que le 17-18 novembre il y aura un sommet de l`OSCE, à Istanbul. Il nous inquiète beaucoup, quelles seront les décisions prises lors de ce sommet de l`OSCE à Istanbul.

Je trouve que cela devrait vous inquiéter vous aussi vous, le Président de l`OSCE. Parce que parmi les conflits mondiaux celui-ci est celui existe depuis le plus longtemps. Ce conflit a provoqué une telle situation que 20% du territoire de l`Azerbaïdjan ont été occupées, l`intégrité territoriale de l`Azerbaidjan a été violée, plus d`un million d`Azerbaïdjanais ont été expulsés de leurs foyers et vivent sous des tentes. Vous avez dit que vous les avez vus. Mais je regrette que vous les ayez vus seulement à Bakou. Si vous les aviez vus sous les tentes, ceci vous aurait beaucoup plus touché. Il est très difficile de vivre plus de sept ans sous des tentes. Seule la tolérance des Azerbaïdjanais permet de le supporter.

Vous dites qu`il y a aussi des refugiés en Arménie. Ce n`est pas du tout juste de placer ces deux questions sur un pied d`égalité. Parce que les refugiés en Arménie sont une petite partie des Arméniens qui vivaient en différents endroits de l`Azerbaïdjan et qui sont partis d`ici à la suite de ce conflit. Chez nous il y a des refugiés de cette sorte -les Azerbaïdjanais qui vivaient en Arménie et qui ont été expulsés en 1988 de l`Arménie. Ils ne vivent pas sous des tentes, nous les avons logés. Mais les gens expulsés des 20% du territoire azerbaïdjanais sous régime d`occupation vivent sous des tentes. C`est pourquoi établir un parallèle d`égalité de situation au motif qu`il existe des réfugiés en Arménie et en Azerbaïdjan, ce serait une grande erreur.

D`une manière générale, je regrette beaucoup que les organisations internationales, mais aussi l`OSCE elle-même, placent souvent sur une pied d`égalité la situation des populations dans ce conflit arméno-azerbaïdjanais. Mais la réalité ne se présente pas sous cette forme. Tout d`abord, c`est l`Arménie qui a déclenché le conflit, parce qu`elle a prétendu que le Haut-Karabagh, qui est une terre de l`Azerbaïdjan, devait lui revenir. C`est à-dire, l`auteur de la guerre, c`est l`Arménie. En second lieu, après l`occupation du Haut-Karabagh par les forces armées de l`Arménie, après en avoir expulsé tous les Azerbaïdjanais, ces mêmes forces ont de surcroît occupé sept régions administratives où habitaient seulement des Azerbaïdjanais et en ont chassés de leurs foyers natals les gens qui y vivaient.

Sur nos terres occupées plus de 700 agglomérations -villes, villages, bourgs - ont été détruites et dévastées. Les hopitaux, les maisons, les écoles, les bibliothèques, les centres culturels, les stations d`électricité, des ponts etc..., tout ce qui avait été construit pendant des années, même peut-être pendant des siècles, a été détruit. Aucun cas semblable ne pourrait être produit concernant l`Arménie. Nous n`avons pas occupé, ne serait-ce qu`un mètre, du territoire de l`Arménie. Maintenant, ils occupent "de facto" le Haut-Karabagh, où ils n`ont pas commis de telles destructions que dans les autres départements occupés.

Je peux citer d`autres faits. Mais ce que je viens de dire doit vous permettre de comprendre la chose suivante : on ne peut pas établir un parallèle entre la situation de l`Azerbaïdjan et celle de l`Arménie. Je regrette encore une fois que dans les organisations internationales, à l`OSCE, une telle idée aie encore cours.

De nos négociations avec Kotcharyan j`ai compris qu`ils veulent vraiment trouver une solution pacifique à cette question. Mais ils mettent de dures conditions. Vous avez souligné, comme preuve de leurs bonnes intentions, que vous avez ramené trois de nos prisonniers en Azerbaïdjan qu`ils vous ont accordé. Je vous remercie d`avoir ramené nos trois citoyens, nos citoyens qui étaient en captivité en Arménie. Mais, là aussi, il faut approcher objectivement les faits. Notre proposition est d`échanger tous les prisonniers contre tous les prisonniers.

Mais l`Arménie refuse. Nous ne parlons pas des prisoniers qui ont été capturés il y a longtemps, dont les listes concrètes, les prisonniers dont on connait les noms, étaient plus de 800. Par la suite les haut fonctionnaires de certains pays ont affirmé qu`aucun d`entre eux n`était vivant, que tous avaient été tués. Mais selon les informations que les organisations internationales nous donnent, il y aurait actuellement 15 prisonniers en Arménie. Mais chez nous ils sont 4, je vous le dis ouvertement et aujourd`hui nous sommes prêts à les échanger en totalité. Pourquoi n`en ont-ils donné que trois? Si vraiment ils voulaient faire un tel pas, ils auraient dû respecter les principes des organisations internationales, dont l`OSCE, ils auraient remis les 15 captifs et nous, nous aurons remis les 4 autres. Il faut évaluer objectivement cette question.

Je peux en parler longuement. Parce que notre coeur est brisé, sachez-le. Aussi longtemps que dans notre pays un million de citoyens azerbaïdjanais vivront sous des tentes, aucun de nous ne pourra vivre calmement. Mais pour régler le sort de nos réfugiés-déplacés, nous ne pouvons pas non plus offrir une partie de nos terres à l`Arménie. C`est pourquoi je le répète encore une fois, pour résoudre cette question la justice est indispensable.

En vous disant cela, je veux faire savoir également que je suis optimiste. Mon optimisme résulte en cela que nous voulons résoudre cette question d`une manière pacifique, par la voie de la paix. L`Arménie fait des déclarations du même type. Il y a plus de 5 ans que nous respectons le régime du cessez-le feu. Je déclare que nous ne permettrons pas le redéclenchement d`une guerre du fait de l`Azerbaïdjan. Malgré le fait que à l`intérieur du pays certaines forces nous reprochent notre position. Mais je dis que je considère comme un très grand événement l`instauration du cessez le feu - il y a 5 ans - et nous garantirons ce régime jusqu`à la résolution pacifique de cette question. A la suite des négociations entre le Président arménien et moi, les Ministres de la Défense de l`Azerbaïdjan et de l`Arménie se sont rencontrés à la frontière et ont mené des négociations il y a 3 jours, et se sont accordés sur quelques questions se rapportant au renforcement du régime de cessez le feu.

Je suis encore assez optimiste pour espérer qu`une organisation réputée comme l`OSCE et son groupe de Minsk, dont trois grands pays -la Russie, les Etats-Unis et la France - sont co-Présidents désormais, aient à coeur de ne pas supporter plus longtemps que cette question reste en l`état. C`est pourquoi nous pensons que le temps qui vient, c`est à dire jusqu`à la fin du mois de septembre, au mois d`octobre, nous aurons une rédaction d`une nouvelle proposition avant le sommet de l`OSCE, afin de prendre une décision effective lors de ce sommet. Nous le souhaitons et je m`adresse à vous plein de ces souhaits.

Vous avez évoqué aussi notre coopération avec Schtutman, Ambassadeur dans la coopération Azerbaïdjan-OSCE. Cette coopération en effet, est très efficace, nous l`apprécions. Quant à l`ouverture d`un bureau de l`OSCE ici, notre Ministre des Affaires Etrangères vous l`a expliquée, c`est à propos d`une certaine question. C`est une petite chose, ça aussi a un lien avec le Haut-Karabagh, pas autre chose. Mais en tant que le Président de l`Azerbaïdjan je déclare que je suis prêt pour ouvrir un bureau de l`OSCE en Azerbaïdjan.

J`espère que ce que je viens de dire vous aidera à bien comprendre notre situation.

Knout Vollebek: Monsieur le Président, merci beaucoup. Vous m`avez donné des informations très riches. Tout d`abord, j`ai bien aimé la tonalité de votre conversation, parce que vous vous êtes exprimés sur un ton très optimiste. Ceci confirme encore une fois la nouvelle que nous avons entendu à Erevan. En général, je crois que désormais l`OSCE a beaucoup de questions à étudier.

Monsieur le Président, vous avez souligné très concrètement les problèmes, les entraves qui existent devant vous actuellement, et que vous pouvez rencontrer à l`avenir. Mais l`essentiel est que nous avons exprimé que nous sommes prêts à éliminer ces problèmes. Monsieur le Président, je regrette que l`impression fut donnée que nous ayions pris une position partiale. Nous essayons de ne pas prendre la position de l`un ou de l`autre des parties et d`accomplir notre rôle.

Un peu plutôt j`ai dit et je veux répéter encore une fois que je planifie de parler à chacun des deux Ministres après la rencontre du 29 septembre des Ministres des Affaires Etrangères à New York. Ensuite je planifie de rencontrer les co-présidents du groupe de Minsk pour discuter de façon par laquelle nous pouvons apporter notre aide à cette question. Je pense qu`une telle attitude dans cette affaire nous permettra d`approcher avec un semblable dynamisme le sommet d`Istanbul.

Monsieur le Président, à mon avis, un tel déroulement des événements peut également avoir des effets positifs sur le développement économique dans la région. Je pense que de ce point de vue le Forum de la coopération du Caucase est un très bon moyen et peut aider la coopération économique et l`évolution dans la région.

J`ai écoute vos paroles à propos des prisonniers de guerre. J`ai l`impression qu`avant la tenue du sommet d`Istanbul l`Arménie libérera tous les prisoniers militaires. Je pense que le souhait des deux côtés sera celui-là.

A propos du bureau de l`OSCE je voudrais vous exprimer ma gratitude. Bien sûr, je comprends ces problèmes bien naturels. Je dois vous dire que le gouvernement arménien a aussi soulevé certains problèmes concernant l`ouverture d`un bureau. Mais nous avons pu résoudre ces problèmes et ouvrir ce bureau à Erevan. Selon moi, en travaillant avec votre Ministère des Affaires Etrangères nous pourrons éliminer ces problèmes techniques et ouvrir un bureau à Bakou.

Monsieur le Président, à la fin de mon intervention je voudrais vous exprimer ma gratitude au nom de toute la délégation. Je dois dire que je ne quitte pas la région avec des pensées irréalistes. Je suis suffisamment optimiste et je pense qu`une fois nos tâches achevées nous aurons pu aider ceux qui ont souffert de la guerre et que nous travaillerons ensemble pour améliorer leur sort. Monsieur le Président, je veux vous assurer que l`OSCE va s`occuper de près de cette question et fera tout son possible pour hâter sa résolution. Merci.

Heydar Aliyev: Je voudrais m`exprimer sur quelques questions. Premièrement, vous avez mentionné le nom du Forum du Caucase. Il y a une semaine que le représentant spécial des Etats-Unis nous a présenté des propositions à ce propos. Je veux que vous sachiez que ceci n`est pas recevable pour nous. Actuellement, étant en état de guerre avec l`Arménie nous ne pouvons pas consentir à l`organisation du Forum du Caucase sous cette forme. Après avoir reçu le représentant des Etats-Unis j`ai immédiatement téléphoné à Edouard Chevarnadze, le Président de la Géorgie à ce propos, je lui ai fait part de mon opinion. Il a souscrit à mes vues. C`est pourquoi je veux que vous sachiez bien notre avis à ce propos.

La deuxième question est celle des prisonniers de guerre. Vous dites que d`ici au sommet d`Istanbul les Arméniens vont libérer tous les prisonniers. Moi, je vous ai dit et je le répète encore : en Azerbaïdjan il y a 4 prisonniers d`Arménie. Maintenant je donne l`ordre au Minsitre de la Sécurité d`envoyer ces prisonniers en Arménie d`ici 5 jours. En Azerbaïdjan il n`y aura plus de prisonniers. Et vous, tâchez que tous nos prisonniers qui y sont reviennent en Azerbaïdjan.

La troisième question est la question de l`ouverture du Bureau. Je donne l`ordre au Ministre des Affaires Etrangères qu`il aplanisse tous les problèmes qui l`entrave et qu`une décision soit prise pour l`ouverture du bureau de l`OSCE en Azerbaïdjan avant que vous n`ayez quitté Bakou.

Knut Vollebek: Je ne suis pas si sûr de la libération des prisonniers, mais j`espère qu`ils seront libérés. Merci beaucoup, Monsieur le Président, la libération des prisonniers est un très grand geste de votre part. Je vais m`adresser au Ministre des Affaires Etrangères de l`Arménie à cet égard et je lui demanderai qu`il en fasse autant.

Heydar Aliyev: Si vous voulez nommer votre représentant pour que nous lui confiions les prisonniers pour qu`il les y amène. Voyons s`ils peuvent ramener les nôtres de là-bas.

Knut vollebek: Monsieur le Président, je propose que nous fassions ce travail au moyen de l`organisation pour l`échange des prisonniers.

Heydar Aliyev: Mais vous n`en amenez que trois. Si vous êtiez venu ici en premier nous vous les aurions remis tous les quatre, il ne resterait alors plus de prisonniers chez nous. Ceci aurait été préférable.

Knut Vollebek: Kasprchik restera

Heydar Aliyev: On confiera les prisonniers à Kasprchik? Si vous le demandez on les remettra à Kasprchik.

Knut Volebek: Merci. Kasprchik restera ici.

Monsieur le Président, je ne sais pas comment exprimer le niveau de mon optimisme, mais au cours de ces quelques dernières minutes, il approche des sommets. Merci beaucoup, Monsieur le Président, c`est un très grand geste de votre part et bien sûr que ce sera bien reçu en Arménie. Cela sera bien reçu et avant tout c`est un symbole de votre attitude envers l`OSCE et de votre coopération avec elle. Nous voudrions que notre coopération se poursuive ainsi. Ceci également manifeste votre volonté de régler un autre problème concret, le problème du Haut-Karabagh.

Monsieur le Président, votre Ministre des Affaires Etrangères m`a déjà invité à revenir en Azerbaïdjan. En fait, je suis prêt à venir en Azerbaïdjan. Je ne vais pas le retarder et si on obtient une certaine évolution vers la solution du conflit de Haut Karabagh, je reviendrai avec grand plaisir et nous n`épargnerons pas notre assistance de la part de l`OSCE.

Heydar Aliyev: Je vous en prie, venez, je serais très satisfait. Je vous invite aussi. Avez vous d`autre demande? Merci.

Journal "Azerbaïdjan", Le 19 septembre 1999