Entretien avec Monsieur Heydar Aliyev pendant la soirée solennelle consacrée au 100ème anniversaire du cinéma azerbaidjanais lors de l`ouverture du "Festival des festivals" - Le 2 mai 1998


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Chers invités du festival, chers amis! Rustam vient de dire que je dois dire un mot. Mais aujourd`hui vous avez dit tant de choses qu"il est dificile d`ajouter quelque chose. Aujourd`hui nous avons fait une découverte - ceci est pour Rustam Ibrahimbeyov et pour ses collégues- nous avons montré que le cinéma azerbaidjanais a commencé de vivre en 1889, c`est son centenaire. C`est le premier. Il serait fâcheux de l`ignorer. Nous aussi, nous pensions que ses premiers pas dataient de 1916. (R. Ibrahimbeyov de sa place: "Si vous faitez un decret, tout le monde le saura"). Vous venez de le déclarer. Si il y a un besoin de le légaliser par un document , alors il est possible faire un decrêt. Mais si on peut le poser comme ça, augmenter de 10 ans ou de quelque années l`ancienneté du cinéma azerbaidjanais n`est pas une question facile.

Cela veut dire que l`Azerbaidjan est un pays civilisé car dès qu`on a commencé à tourner des films on a commencé aussi en Azerbaidjan. On trouve peu de pays qui ont produit des films depuis le tout début du cinéma en Europe.

C`est pourquoi le festival qui se tient aujourd`hui, en autres bonnes raisons, prend toute son importance en raison de cette découverte, pour moi, - avec son épreuve, et avec sa manifestation.

Deuxièmement, notre époque rend difficile les grandes réunions. Cependant, vous vous êtes réunis. Je me rappelle le "Festival des festivals" qui a eu lieu il y a deux ans. A votre invitation, j`y étais moi aussi. Mais à cette époque-là les invités étaient bien peu nombreux et, si on peut dire, n`était une petite réunion. Cette fois la réunion est grande. J`espère que la fois prochaine elle sera plus grande encore.

Il y a là une certaine logique, parce qu`au moment de l`effondrement de l`URSS il existait une forte tendance à se tourner le dos l`un à l`autre et à s`éloigner. C`était un phénomène normal. Mais depuis que nous nous sommes élognés de l`un l`autre, après nous être retrouvés nous-mêmes, après avoir accédé à notre indépendance, après avoir gagné notre liberté, nous nous sommes mis à nous ennuyer et nous avons décidé qu`en tout cas il fallait que nous nous rapprochions. Je comprends les choses à peu près comme cela. C`est pourquoi, ici-à Bakou se sont réunis plus de gens qu`il y a deux ans avant. C`est à dire qu`il doit s`agir d`une tendance naturelle. Je salue cette tendance et je souhaite que le milieu du cinéma se rapproche les uns des autres, que ses membres se renforcent et qu`ils créent des oeuvres cinématographiques en phase avec l`esprit contemporain, répondant au goût du public contemporain.

Bien sûr, il y est clair à tous que la télévision concurrence rudement le cinéma. Je me rappelle - aujourd`hui Rustam me l`a rappelé - que nous célébrions le 70ème anniversaire du cinéma azerbaidjanais. C`était en 1976. Moi aussi, j`étais présent à cette cérémonie, je pense même que j`y ai fait un discours. Je me rappelle qu`à cette époque je n`avais pas parlé seulement du cinéma, mais également d`autres questions. Mais j`avais évoqué la cinématographie, et je disais que bien que la télévision allait se développer, le théatre, le cinéma n`allaient pas perdre leur valeur pour autant. Aujourd`hui j`affirme encore une fois cette conviction. Par un phénomène régulier, la télévision fait en quelque sorte pression sur le cinéma à un certain niveau. Mais les gens s`en fatiguent et ont envie de retourner au cinéma, de pénétrer dans une grande salle et de voir l`écran apparaître derrière les rideaux qui se soulèvent.

Je suis heureux que le cinéma azerbaidjanais se soit beaucoup développé au cours de son existence. Aujourd`hui, pendant que vous démontriez les cadres de l`histoire du cinéma azerbaidjanais, je me suis réjouit encore et encore. Bien que je les ai vu tous, je connais tout cela. Il y a des moments où on se sent à nouveau en communication avec l`histoire. Je ne sais pas comment cela se manifeste chez les autres, mais ceci n`est pas pour moi un sentiment de grande joie, de fierté pour mon peuple, pour ma république.

La question n`est pas seulement qu`aujourd`hui je me rejouisse du centenaire du cinéma azerbaidjanais, mais de ce qu`on a fait beaucoup de bons films. Je me rappelle très bien, quand j`étais enfant nous allions voir des films, à cette époque il n`y avait pas des films sonores, il n`y en avait que des muets. Je me rappelle les films azerbaidjanais, ceux de Moscou, et même les films étrangers. Nous avons vu Charlie Chaplin, pour la première fois, dans un film muet. Il y avait ce film - "Miss Mend", vous rappellez-vous? C`était un film intéressant et bien qu`il soit muet, nous, les jeunes nous les regardions avec plaisir. Je veux dire que je me rappelle ces années très lointaines. J`avais dix ans. Aujourd`hui regardez, comme le cinéma s`est transfomé. Il y avait de bons films avant la guerre, je veux dire la deuxième guerre mondiale, et pendant la guerre, et après la guerre on a fait de bons films.

Mais aujourd`hui Rasim Balayev, - où est-il? Pourquoi es -tu assis si loin? N`y a-t-il pas de place? Tu les a toutes données aux invités. Tu as bien fait, un Azerbaidjanais donne toujours ce qu`il y a de mieux à ses invités. Vous savez, je rappelle-là une coutume azerbaidjanaise. C`est dans les villages qu`on la connait, à Bakou on ne le connait pas, mais ceux qui vivent dans les régions, ils le connaissent. Il est probable que vous vous rappelez aussi, ceux qui avaient une pièce, deux pièces, on en gardait une réservée pour les hôtes. Quand nous n`avions pas de lit, nous dormions par terre. Les meilleurs coussins, couvertures, matelas étaient pour les hôtes. Nous, nous nous débrouillions.

Je me rappelle, dans mon enfance je suis allé à la campagne chez un de notre proche. On nous a accueilli, ils nous ont nourri à l`entrée de la maison, mais ils ne nous ont pas laissé entrer dans la chambre. Et c`est pour qui? Pour les hôtes. Dans cette chambre il y avaient des couverture en soie, des bons coussins. Eux-mêmes, ils n`avaient pas même un tapis. J`ai pensé que les hotes ne viennent qu`une, deux ou trois fois par an, mais la chambre reste toujours vide. Mais les gens vivent dans ces conditions tout au cours de l`année. Regardez, quelle psychologie!

Peut-être cela a-t-il un lien avec le caractère de notre peuple; tout ce qui est bien est pour les invités. Parfois, on dit que les Azerbaidjanais nourrissent bien leurs hôtes. C`est vraiment ça. Ils les nourrissent trop - un, deux, trois... plats. L`invité pense: est-ce qu`ils mangent toujours comme ça? Ce n`est pas du tout le cas. Il est possible que les gens ne puissent pas manger une fois par mois pendant qu`ils ont des hôtes, le reste du temps il se satisfait de peu. Mais il donne tout à son hôte. Je ne critique pas nos traditions, nos caractères nationaux. Je me suis rappelé tout ça parce que Rasim Balayev a fait s`assoire à côté. Une fois, mois aussi, je me suis assis comme ça, on ne m`a pas laissé entrer dans la chambre des hôtes.

Le cinéma a joué un très grand rôle dans la vie de plusieurs générations. Par exemple, dans la vie de ma génération le cinéma a joué un très grand rôle. Les films jusqu`à la guerre étaient très intéressants - d`un caractère patriotique, militaire, comme Rasim Balayev vient de le souligner - on dirait aujourd`hui d`un caractère révolutionaire, et d`autres films étaient de très grande valeur du point de vue littéraire, ils étaient aussi des oeuvres, des oeuvres cinématographiques. Mais également ces films aidaient beaucoup les gens à vivre. Ces films les ont aussi aidés à l`époque suivante.

C`est pourquoi nous respectons beaucoup le métier du cinéma, les hommes du cinéma, les artistes de cinéma. Aujourd`hui vous avez vu vous-mêmes comment on accueille chacun de vous, quand quelqu`un de vous est invité sur la scène vous avez vu avec combien d`applaudissements, combien de joie, combien de plaisir vous êtes accueillis. Vous avez transmis ce sentiment de fierté, par votre venue, par vos paroles dans le cadre de cette soirée, à ceux qui sont dans ce salon et à ceux qui ne sont pas dans ce salon, car tout est diffusé directement, tout cela est transmis directement dans notre République. C`est pourquoi les gens vous seront très reconnaissant de tout cela.

Moi, dès que je suis devenu le chef de la République de l`Azerbaidjan, j`ai accordé une grande attention au développement du cinéma. Ceci doit être dans la mémoire de Rustam et dans celle d`autres. Aujourd`hui on a évoqué un cadre, Rustam y était encore jeune. On n`arrive même pas à reconnaître si c`est lui ou non. Je me rappelle aussi la première entrée dans le cinéma de Rasim Balayev. Le défunt Hasan Seyidbeyli tournait le film "Nasimi". A cette époque nous célébrions le 600ème anniversaire de notre grand poète Nasimi et nous avions décidé de lui consacrer un film. C`était une bonne tradition. Nous célébrions le jubilé de personnalités connue, nous écrivions des livres, des romans, des essais historiques à leur sujet, nous faisions des films sur eux. C`était une bonne tradition. Et à cette époque-là nous avions érigé un beau monument de Nasimi à Bakou, il y a un arrondissement qui porte son nom, nous avons fait un film sur lui. Hasan Seyidbeyli s`est chargé de faire ce film. Je me rappelle que le scénario était très compliqué, très difficile. Parce qu`il fallait analyser, éclairer l`histoire, qu`est-ce qu`il faut montrer, qu`est-ce qu`il ne faut pas montrer. Surtout parce que - je vais citer un mot de Rasim Balayev- aujourd`hui il vient de dire que l`idéologie jouait son rôle. En effet, elle jouait un rôle. C`est pourquoi il fallait produire quelque chose qui soit conforme à l`idéologie. Au total, le film fut bon.

Je trouve que du point de vu historique ce film était en vérité, le premier film fondamental de la cinématographie azerbaidjanaise. Je me rappelle, à cette époque j`avais rencontré Hasan Seyidbeyli, j`avais parlé avec lui et je lui avais demandé: "qui jouerait le rôle Nasimi?". Il a répondu, vous savez j`ai trouvé un bon jeune de talent qui a du potentiel. Je lui ai demandé: où est-il? Il a répondu qu`il étudiait à l`Institut de Théatre. Je l`avais déjà auditionné, je l`ai observé et maintenant, voyons, si j`ai raison.

Il a bien joué le rôle de Nasimi, très bien joué. Maintenant, voyez, il est devenu un peu plus agé, il a évoluéi. A cette époque il était de grande taille, et c`était un très beau jeune homme. Bien sûr qu`aujourd`hui encore il est tout aussi beau!

Pourquoi je me souviens de tout ça? Parce que c`est le passé, c`est un passé qui est devant moi, j`accordais une grande attention à ce travail. Le film "Babek" est aussi de même nature que ce film. Eldar Qouliyev a fait un très bon film. Aujourd`hui, avec Rustam, nous nous sommes rappelés les cas où différents personnalités importantes ont interféré dans les travaux de nos metteurs en scène, etc. Cela aussi est arrivé. Nous avons patronné d`autres films, nous les regardions, nous les aidions. Je suis heureux que la cinématographie azerbaidjanaise ait eu un grand développement.

Peut-être parmi vous quelqu`un se rappelle-t-il quand j`étais le Premier-vice du Président du Soviet des Ministres à Moscou, je supervisais le Comité de la Cinematographie. Yermach venait souvent chez moi et nous résolvions certaines questions. Il a été décidé d`aider d`une manière importante le développement de la cinématographie soviétique. Comme j`étais à la tête de ce domaine tant au bureau Politique qu`au Conseil des Ministres, la commission m`a chargé de m`occuper de cette question.

Moi, je suis très curieux de nature et, pour faire quelque chose, pour préparer quelque chose, il fallait étudier en détail la question concernée, en plus de la cinématographie, je devais apprendre sa situation, ses possibilités, ses conditions. J`ai organisé plusieurs rencontres avec les hommes les plus influents de la cinématographie et nous avons préparé le document d`un projet de décision. J`ai dit à Yermach: "Appellez les figures les plus connues de notre cinématographie et moi aussi, je viendrai. C`était pendant l`année 1984. Nous avons parlé quelques heures. Certaines des personnes qui y participaient ont aujourd`hui quitté ce monde. Mais certains sont ici -Rustam était là, il y avait Chengueleya. Ensuite nous avons préparé un document qui était très important à cette époque, le Programme du Développement de la Cinématographie de l`Union Soviétique.

Après l`adoption de ce document, nous avons organisé la grande réunion des actives de l`Union des Cinématographes dans le salon Octobre, à Moscou et j`ai fait un rapport. Tout d`abord, nous avons parlé du développement de la cinématographie. Probablement que vous vous en souvenez. Où est notre invité du Turkmenistan? Je me rappelle, vous y aviez fait un discours. Pendant toute la journée nous avons discuté ces questions, les hommes les plus réputés de la cinématographie prirent la parole, ils développèrent leurs propositions et exposèrent leur opinions. C`est pourquoi je me suis tout de suite attaché à la cinématographie. Je ne vous connais pas seulement comme un spectateur, je vous connais dans votre activité pratique et j`éprouve pour elle un grand respect. Je sais que l`activité du cinéma est très compliquée et très ardue. En général, le travail des artistes est très difficile.

Je l`avais dit maintes fois et aujourd`hui, je veux le dire encore une fois: le spectateur regarde la scène, l`artiste joue le rôle, il est une personne connue, on l`applaudit. Mais combien d`émotions vit-on avant d`apparaître sur scène, ce qui se passe en coulisses, ce n`est pas tout le monde qui le sait. Mais, moi, je le sais. C`est pourquoi j`apprécie hautement le labeur des gens de théatre, des acteur de films, des réalisateurs, et aujourd`hui, nourris des mêmes sentiments je suis venu à ce rassemblement.

Aujourd`hui j`ai écouté attentivement ce qu`on vient de dire sur vous, je vous ai regardé et c`était un grand plaisir pour moi que vous, tous, vous gardiez votre bonne forme, comme auparavant. Vous êtes connus aujourd`hui. Je voudrais souligner encore une fois que je suis très heureux de ce que vous vous soyez réunis à nouveau à Bakou et je vous souhaite des succès dans le développement du métier de cinéaste. Que vive et prospère l`amitié de tous les cinéastes du monde entier! 

Journal "Azerbaidjan", le 5 mai 1998

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