Discours d`ouverture de Heydar Aliyev, Président de la République d`Azerbaïdjan, à une rencontre avec un groupe d`habitants de Khodjali à l`occasion de la 4ème commémoration du génocide de Khodjali - Palais présidentiel, le 24 février 1996


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Ces jours-ci nous commémorons le 4èmeanniversaire de la tragédie de Khodjali. Cela restera comme une page noire de l`histoire de notre peuple, de notre nation, une tragédie pour notre peuple. En même temps, cette tragédie est un exemple de la fidélité de notre peuple, de nos concitoyens à leur Patrie, à leur terre, à leurs compatriotes. Ceux qui en furent les victimes, ceux qui sont morts à Khodjali, sont devenus des martyrs dans la lutte pour l`integrité territoriale et pour l`indépendance de la République d`Azerbaïdjan, ils se sont sacrifiés. Leur mémoire ne sera jamais oubliée. Leur martyre sera pour nos générations futures un exemple d`héroisme et leur mémoire vivera éternellement dans nos âmes.

Il y a précisément huit ans que nous sommes en guerre et que nous luttons pour nos terres et contre l`agression militaire que l`Arménie a engagée contre l`Azerbaïdjan. Pendant ces huit ans cette agression s`est poursuivie et notre peuple, pour défendre ses terres et sa Patrie s`est battue, a travaillé et a lutté et aujourd`hui, il est à la garde de ses terres.

Le peuple azerbaïdjanais a donné beaucoup de martyrs et a fait beaucoup de sacrifices durant toutes ces années. Les fils héroîques, courageux, sont devenus des martyrs en combattant pour la défense de nos terres. Mais la tragédie de Khodjali a une place spéciale dans tous ces drames. C`est que d`un côté cela fut un exemple de la fidélité de chacun des habitants de Khodjali à sa terre, à son peuple, à sa Patrie, et que d`un autre côté, c`est un génocide - un phénomène jamais vu de barbarie - commis par les forces nationalistes et sauvages de l`Arménie contre l`Azerbaïdjan. Pour ces deux raisons, nous commémorons l`anniversaire de la tragédie de Khodjali. Comme nous le savons, une décision spéciale fut prise pour que la commémoration de la tragédie de Khodjali soit soulignée comme "le jour du génocide de Khodjalı".

Avant de commencer notre conversation, je vous prie de commémorer par une minute de silence le souvenir des fils de l`Azerbaidjan qui devinrent martyrs en défendant leur terre de Khodjali, en mémoire de tous les martyrs qui ont fait le sacrifice de leur vie en combattant pour la défense de nos terres. Que Dieu ait leurs âmes!

Aujourd`hui, il serait très cher à mon cœur, aussi pour nous tous, de pouvoir rencontrer chacun des habitants de Khodjali. Mais, vous le savez, cela est impossible. Nos compatriotes qui ont été expulsés de Khodjali se sont installés dans différents endroit de l`Azerbaïdjan. Mais moi, en rencontrant un groupe d`habitants de Khodjali, j`ai le sentiment de rencontrer tous les habitants de Khodjali.

Je veux vous dire combien cette rencontre est importante pour moi. Il y a quatre ans que vous vivez avec le chagrin, à cause de ce malheur, de cette tragédie, de cette perte qui s`est abattue sur vous, sur vos proches, sur vos voisins villageois. Egalement, cette tragédie plonge dans le chagrin tout le peuple azerbaïdjanais. Nous tous, nous éprouvons cette peine, et pour ceux qui sont morts à Khodjali, et pour leur mémoire, et pour tous les martyres que l`Azerbaïdjan a connu. Aujourd`hui, se souvenir ces jours-là, faire la prière pour ceux qui sont morts, aider les survivants, prendre des mesures pour améliorer davantage leurs conditions de vie est notre obligation. J`estime qu`un des buts de notre rencontre d`aujourd`hui, de notre conversation consiste en cela. Je veux vous écouter, entendre vos paroles.

Parole finale

Notre rencontre d`aujourd`hui et notre conversation, qui a duré longtemps, sont très importantes et très significatives. Elles suscitent également une grande émotion, et tout d`abord un sentiment de tristesse.

Dans son histoire multiséculaire, notre peuple a montré de nombreux exemples d`héroisme, de courage; il a lutté pour sa liberté, son bonheur, son bien, il a connu le malheur, a traversé des périodes tragiques.

Si nous considérons le XXème siècle, dès son début et jusqu`à la fin, les crimes commis par les nationalistes, les brigands arméniens contre le peuple azerbaïdjanais sont sans précédents. Il y eut des attaques, des agressions, des massacres au début du siècle et dans les années 1918-1920. Ensuite, en 1988, l`agression de l`Arménie contre l`Azerbaïdjan, l`expulsion des Azerbaïdjanais du territoire de l`Arménie et nos pertes, la mort de nos compatriotes, nos victimes depuis le début de la guerre autour du Haut-Karabagh jusqu`à présent, leur martyre nous prouve et montre la continuité de la disposition hostile des Arméniens et de l`Arménie contre l`Azerbaïdjan. A la suite de tout cela, à la suite de ces grandes fautes, de ces crimes, de ces trahisons commises dans les années passées, à peu près 20% de notre territoire a été envahi par les forces armées de l`Arménie et plus d`un million de nos compatriotes furent privés de leurs terres, de leurs villages, ils sont devenus des réfugiés. Dans ces moments difficiles et durs, la tragédie de Khodjali prend une place particulière. Le génocide de Khodjali est le génocide le plus terrible commis par l`Arménie et par les arméniens contre le peuple azerbaïdjanais. Cela doit être gravé comme cela dans notre histoire. Nous devons continuellement expliquer à notre peuple, à tous les peuples et à la communauté internationale avec quelle hostilité ce génocide a été perpétré et combien on est loin de l`humanisme. On ne pourra jamais oublier cette tragédie. Et plus le temps passe, et plus nous devons faire entendre d`une voix forte au monde, à notre peuple, aux jeunes générations, pour que tout le monde sache quelle tragédie a enduré notre peuple et également que notre peuple a souffert tant de victimes, tant d`exemples d`héroisme pour sa liberté, pour sa Patrie, pour sa terre. Il a été noté combien de bébés, de femmes, de vieillards, de gens sans aide, des gens innocents ont été tués ce jour-là, cette nuit-là. Mais, également, pendant cette journée, pendant cette nuit, tant de nos fils braves, héroiques ont pu sortir devant cette très grande force- les forces arméniennes armées jusqu`aux dents, un régiment qui disposait d`armes lourdes et de la grande expérience de l`ex-Union Soviétique - et ils ont combattu contre eux. Ils sont morts au combat, ils ont donné des exemples d`héroisme et ils ont mérité d`être qualifiés de Héro National.

C`est pourquoi chacun des deux aspects de cet événement est très important pour nous et ils doivent tous deux être connus, il faut qu`ils soient portés à la connaissance du grand public. Désormais nous devons y travailler, c`est notre devoir.

Une des conclusions que j`ai apportée à notre discussion, à la conversation et à notre rencontre d`aujourd`hui, est que nous devons faire savoir plus fermement, plus largement, à la communauté internationale quel a été le génocide de Khodjali perpétré par les envahisseurs, par les barbares arméniens, car le génocide de Khodjali a été accompli par le 366ème régiment de l`armée soviétique contre le peuple azerbaidjanais.

Je suggère qu`on envoie les adresses des habitants de Khodjali, peut-être au nom d`intellectuels azerbaïdjanais, à différentes organisations à l`occasion de la 4ème année de la commémoration du génocide de Khodjali. Qu`on l`envoie à l`ONU, où se trouve un Comité de défense des droits de l`Homme, qu`on les envoie aux autres organisations internationales. Cela est nécessaire.

Vous savez, on ne peut pas se contenter qu`un livre ait été publié sur le génocide de Khodjali ou qu`un film ait été fait sur le génocide de Khodjali. A l`époque, quand la tragédie était encore récente, quand les blessures étaient encore chaudes, des informations avaient été diffusée à ce propos. Non, il faut le faire continuellement. Toujours! Chaque année, chaque jour! Dans cinq ans, dans dix ans! On ne peut pas l`oublier! Il faut que la communauté mondiale en soit informée et il faut faire savoir partout à quel point les occupants arméniens sont cruels, sauvages et jusqu`à quel point est allée leur haine, tous leurs crimes contre le peuple azerbaïdjanais, sans respect des lois internationales.

Nous devons obligatoirement le faire. Maintenant, j`exprime mon opinion à ce propos, mais j`espère que vous allez vous assoir avec nos fonctionnaires, que vous allez y réfléchir, il y faut faire une nouvelle action forte, il nous faut mener une campagne. Mais cela ne doit pas prendre la forme d`une campagne, une forme temporaire, cela doit être régulier, constant. Nous devons faire savoir au monde quels actes de sauvagerie ont été infligés au peuple azerbaïdjanais, aux habitants paisibles et innocents, sans soutien, à Khodjali. Il faut le faire. Obligatoirement.

On a parlé des habitants de Khodjali qui ont disparu et de ceux qu`on n`a pas encore retrouvés. Je donne encore instruction aux employés de notre appareil présidentiel, à Namiq Abbasov, le Ministre de la Sécurité nationale, qu`ils s`occupent de ces affaires et qu`ils se rapprochent de toutes les organisations concernées. Probablement, à ce propos, Ramiz Mehdiyev, vous devrez organiser des réunions pour définir par quels canaux, par quels chemins il faudra opérer pour qu`on puisse chercher et trouver les habitants de Khodjali qui ont disparu, s`ils sont prisonniers de guerre ou si on ne sait vraiment rien jusqu`à présent. Il est probable que certains parmi eux ne sont plus vivants aujourd`hui, peut-être, il nous faudra l`accepter comme une vérité, mais il est probable qu`il existe encore des survivants. Si certains sont vivants, ils doivent être trouvés. Ceux qui ne sont pas vivants, ceux qui ont été tués, où bien ceux qui sont morts, sur ceux-là il faut clarifier la situation. Il faut s`occuper sérieusement de cette affaire.

Désormais, il faut se préoccuper beaucoup plus des Khodjalois. Tous ceux qui ont pris la parole se disent contents de nos organismes étatiques. C`est un plaisir pour nous. Mais toutefois j`espère qu`il y a une certaine vérité dans tout ce qu`on vient de dire ici. En général, c`est une des caractéristiques du peuple azerbaïdjanais, nous sommes une nation qui exprime facilement sa reconnaissante, quand on nous fait une petite aide nous l`acceptons comme une grande. Cela, en général, est une caractéristique nationale du peuple azerbaïdjanais. Surtout les gens comme vous, qui ont tout perdu, leur maison, leur village, leur richesse, leurs proches, sont reconnaissants pour un petit soin. Mais je trouve qu`on doit vous accorder plus d`attention. Bien sûr qu`il faut se préoccuper de tous, de tous les refugiés, de toutes les familles des martyrs, de tous les gens qui sont devenu invalides au cours de la guerre, des invalides de la guerre, il faut se préoccuper de tous. Mais le fléau que les khodjalois ont vécu n`a pas d`équivalent. Il faut prendre en considération ce point.

Les participants ici viennent de s`exprimer mais il y en a certains, parmi eux, qui n`ont pas parlé - je le sais, j`en ai été informé aujourd`hui - eux aussi, ils ont perdu 5 ou 6 membres de leur familles, ils les ont perdus sous leur propres yeux. Vous savez, une perte est une perte, chacun de nous, nous nous habituons à mesure que le temps passe. Mais il y a que tu vois devant tes yeux la personne la plus chère pour toi -ton père, ton frère, ton fils, ta sœur- qui est mort et que tu n`as pas pu aider, il est mort. Cela laisse une trace dans le cœur et serre toujours le cœur.

C`est pourquoi il faut prendre en considération cet aspect psychologique et, considérant la barbarie avec laquelle ce fléau s`est abattue sur les Khodjalois, car tous cela s`est passé dans la plus extrême barbarie, il faut apporter une aide aux Khodjalois dans tous les domaines: des aides matérielles, une aide médicale, et simplement, leur témoigner de l`humanité. Je le demande à tous les organes étatiques, à toutes les organisations sociales, je suggère et j`espère que cela sera désormais ainsi.

Egalement, je parviens à cette conclusion de notre rencontre d`aujourd`hui que si la tragédie de Khodjali eut lieu, d`un côté, par le fait de la barbarie des envahisseurs arméniens, d`un autre côté, il est le résultat des crimes de nos organes étatiques, de nos représentants plénipotentiaires qui dirigeaient la République à cette époque-là, et même, je peux dire, à la suite de leur trahison. C`est pourquoi en évoquant ce génocide, en faisant connaître au monde la barbarie des Arméniens et en le diffusant, en qualifiant les Arméniens de barbares, nous devons également révéler le crime, la trahison, que nous avons commise contre nous-mêmes. Ces crimes, ces trahisons sont sous nos les yeux.

Aujourd`hui, tous ceux qui ont parlé ici, surtout le chef du pouvoir exécutif de Khodjali, a donné une information détaillée. Tout cela prouve encore une fois que ces crimes, ces crimes et ces trahisons, furent le fait de différents représentants de l`Etat de l`Azerbaïdjan, surtout le fait du chef de l`Etat. Mais pendant ces quatre ans, je trouve qu`on a commis une autre grande faute. On a essayé de dissimuler ce crime. J`en arrive à la conclusion que de nombreuses parties y ont eu intérêt. On a dit, et je partage ces opinions que, par exemple, cette tragédie de Khodjali a eu lieu, non seulement en résultat des crimes et des trahisons de ceux qui étaient au pouvoir à cette époque-là, mais aussi en résultat des crimes et des trahisons des forces qui luttaient pour parvenir au pouvoir. C`est pourquoi ni du premier côté, ni de l`autre côté, on n`a eu intérêt au dévoilement complet de cette question, de ce crime, de cette trahison. On peut le dire d`une voix forte.

Je me rappelle bien, à cette époque-là, j`étais au Nakhitchevan. Mammadov, le chef du pouvoir exécutif de Khodjali, m`a rappelé qu`il était venu au Nakhitchevan. Vous y êtes venu à la fin du mois de septembre?

Elman Mammadov: Le 30 septembre.

Heydar Aliyev: Le 30 septembre, oui, il y avait moins d`un mois que je m`étais chargé du poste du Président de l`Assemblée (le Soviet Suprême) au Nakhitchevan à la demande du peuple. La situation était très dure et très confuse. Vous savez qu`à cette époque le pouvoir soviétique s`était écroulé, on peut dire était en train de s`écrouler. Il ne s`était pas encore écroulé, mais s`était écroulé au Nakhitchevan, où le peuple avait détruit le Comité de région du Parti Communiste, l`avait fermé et moi, au début du mois de septembre - c`était le 1er ou le deux- quand je suis venu au Nakhitchevan, il grondait déjà et le peuple exprimait son mépris contre le pouvoir dans des endroits où, comme à Nakhitchevan, la situation était dure, où il revendiquait le rétablissement de l`ordre. A la suite de ces revendications, j`ai du me charger du poste de Président de Medjlis (le Parlement) de la République Autonome du Nakhitchevan. A cette époque nous travaillions très dur et nous avions beaucoup de problèmes à Nakhitchevan. Mais également, la situation au Karabakh m`inquiétait beaucoup. Vous vous rappelez, à cette époque-là, au début du mois de février 1991, la première session du Soviet Suprême de la République d`Azerbaïdjan a eu lieu. Moi aussi, j`avais été élu député au Soviet Suprême du Nakhitchevan. J`ai fait un discours lors de cette session et j`ai dit que nous avons perdu le Karabagh. Réunissons-nous, parlons, asseyons- nous pour nous consulter: qu`est-ce qu`il faut faire pour retenir Karabagh dans nos mains et reprendre le Karabagh qui est hors de notre contrôle. A cette époque-là, différents discours diffamatoires ont été prononcé contre moi-vous, vous vous les rappellez? -on m`a interrompu, on a eu des gestes incorrects, il y a même eu un discours contenant des phrases telles que "Vous dites des mensonges, vous menez des actions contre la direction de l`Azerbaïdjan, vous mentez. Vous voulez ruiner la direction de l`Azerbaïdjan, jamais le Karabagh n`a été aussi complètement à nous qu`aujourd`hui".

Vous vous rappelez ces paroles? C`était au début de 1991. Ensuite je m`en suis allé. En septembre de 1991, quand j`étais au Nakhitchevan je pensais encore au Karabagh. Le Karabagh m`inquiétait. A cette époque, des gens venaient de temps en temps, du Karabagh, quelques fois des gens inconnus m`appelaient de Choucha, de Latchin, ou de différentes régions, ils me demandaient une aide, une assistance et à cette époque-là je faisais tout ce qu`il m`était possible de faire.

A cette époque-là, Mammadov était venu lui aussi. Oui, j`ai trouvé que c`était un grand événement et j`ai déclaré à la session du Medjlis que le chef de Khodjali, qui est encerclé au Karabagh, est venu dans notre Nakhitchevan. Je l`ai présenté à la session, je lui ai passé la parole, il a fait un discours. Nous avons réclamé une marque de notre solidarité avec les Khodjalois, nous avons exprimé notre opinion. Ensuite nous avons parlé en tête à tête et je lui ai prodigué mes conseils.

Je voudrais dire que la question du Karabagh, la question de l`agression de l`Arménie contre l`Azerbaïdjan ont toujours inquiété et fait souffrir le peuple. Le peuple a essayé, chacun a essayé de donner sa part à cette affaire, de servir. Mais il est regrettable que nos dirigeants, nos plénipotentiaires, n`aient pas seulement accompli leur tâches, ils ont même trahi.

A cette époque-là, une commission avait été fondée pour instruire la tragédie de Khodjali. Moi, au Nakhitchevan, j`étais très intéressé de connaître les conclusions de cette commission. Ensuite, on a diffusé le résultat des travaux de cette commission à la télévision. Je l`ai écouté, surtout j`ai écouté le rapport d`Ali Omarov, qui était le secrétaire de cette commission. C`est vrai, ce rapport ne m`a pas satisfait complétement, mais également, pour dire la vérité, il faut dire que dans ce rapport il y avait des opinions très justes, très vives, des positions de principe. Malheureusement, cette discussion a abouti au résultat qu`ici il y a bien un coupable mais qu`il n`est pas désigné. Vous savez que le 14 mai Mutallibov est revenu à nouveau au poste de Président. Son arrivée avait des liens avec Khodjali.

Il en est ressorti qu`il n`était pas coupable, la commission a conclu comme cela. Ramiz Fataliyev était Président de la commission. A cette époque on lui avait demandé- je me rappelle, c`était transmis par la télévision- quelques fois on lui a demandé. Hélas il a répondu que non, Mutallibov n`en est aucunement responsable et c`est pourquoi la session a pu prendre la décision de permettre à Mutalibov de revenir au poste au Président.

Je voudrais ajouter avec cela que, en reconnaissant les mérites de ce travail à cette époque-là, il nous faut également reconnaitre aujourd`hui que cette commission, même si elle l`avait voulu, ne pouvait pas étudier objectivement cette question. Parce que la plupart des coupables occupaient un poste. Ils siégeaient aux postes élevés. C`est pourquoi les conclusions que cette commission a rédigées n`étaient pas complètement la vérité. Ensuite, le pouvoir dans la République a changé, c`est-à-dire que le Président qui était en poste a changé et qu`un nouveau Président a été élu. On pouvait s`attendre à ce que le nouveau Président, après avoir été élu, soulève cette question, parce que lui et les siens ont profité de cet événement de Khodjali pour parvenir au pouvoir. Mais après cela, cette question a été étouffée et l`enquête a été menée de façon à ce qu`il n`y ait aucun coupable.

Eldar Hasanov a donné certaines informations dans cette affaire de crime, dont on trouve les traces dans cette enquête. Mais j`estime que maintenant le temps a passé, que les gens qui ont pesé sur cette enquête, dans cette instruction, ne sont pas sur la scène. Ils ne peuvent exercer aucune influence. Ces questions doivent faire l`objet d`une enquête à nouveau - c`est comme cela que je le vois- et doivent être étudié complètement. Il faut mener à nouveau l`enquête.

Je reviens sur l`opinion que je viens de formuler -le génocide de Khodjali n`est pas un crime simple. Le génocide de Khodjali ne doit pas être oublié par nos nouvelles générations même dans cent ans. Il faut que chacune des générations futures sache qu`on a commis une telle barbarie contre notre nation. Si c`est comme je le pense, et j`espère que vous êtes d`accord avec cela, alors ces barbares aussi doivent être condamnés. Eldar Hasanov a dit que certaines des forces arméniennes qui ont commis ces barbaries sont connues. Si aujourd`hui ils ne sont pas encore condamnés, ils seront condamnés dans le futur. La Cour Internationale va les punir. Ce régiment 366 sera puni à l`avenir et la Cour internationale va le punira aussi. Le monde ne restera pas toujours comme ça. Dans un tel cas, parmi nous aussi, ceux qui ont commis des crimes, des trahisons, doivent être poursuivis et leurs noms doivent être révélés.

Vous savez, quand une personne tue deux autres personnes, on l`arrête. L`audience commence et, soit il est condamné à vie, soit il est condamné à dix ans de prison. Parce qu`il a tué deux personnes, ou bien une personne. Mais vous voyez ici, tant de personnes ont été tuées, d`ailleurs ils ont été tués sauvagement, des innocents ont été tués.

Je dois éclairer cette question aussi. C`est la guerre, les forces armées de l`Arménie ont fait une guerre de conquête, il y a eu des combats, les deux côtés ont combattu, il y aura des morts d`un côté et de l`autre. C`est la conséquence naturelle de la guerre. Mais cependant, quand vous venez, que vous assiégez une agglomération, que vous la maintenez longtemps assiégée, que vous l`isolez complètement de l`extérieur et enfin, avec une force 5 à 6 fois supérieure, en attaquant, vous tuez la population pacifique. Ce sont des cas totalement différents.

Khodjali a été assiégé pendant longtemps, Mammadov l`a raconté, par les forces armées de l`Arménie. Et qui sont ceux qui n`ont pas pris de décision ni délibéré à propos de ce siège? Pourquoi ont-ils supporté, dans notre grande agglomération, qu`un grand nombre de personnes soient assiégées pendant si longtemps? Pourquoi? Pourquoi? Quelles mesures ont-ils pris et pourquoi n`en ont-ils pas pris?

Le chef du pouvoir exécutif de Khodjali nous dit qu`il était venu à Bakou pendant trois jours; il a essayé mais ni le Président, ni, également, le Commandant Général des Forces Armées ne l`ont reçu. Est-ce qu`il pouvait exister une affaire plus importante que celle-ci? Je trouve que ces jours-là, pour chacun des dirigeants de l`Azerbaidjan, il ne devait pas y avoir une affaire plus importante que celle-ci. Il fallait manifester un simple intérêt, car si le chef du pouvoir exécutif était venu, on devait le recevoir et lui poser la question simple suivante: "qu`est-ce qu`il y a?". S`il ne veut pas le recevoir, s`il ne le voit pas, le chef du pouvoir executif s`adresse à tous et s`il ne l`a pas abouti, s`il rentre, simplement on sait la situation et en sachant la situation pour ne pas prendre des mesures on ne le recoit pas. Le résultat logique est ceci. C`est pourquoi je trouve qu`il faut étudier ces questions et nous devons revenir sur toutes ces questions. Vous savez que le génocide de Khodjali a eu lieu le 26 février 1992. Le 26 février 1993 était la première année de commémoration de ce génocide, c`était le temps sanglant de cette blessure. Pourquoi, alors, un "jour du génocide de Khodjali" n`a-t-il pas été déclaré? Pourquoi! Cela a une grande importance historique, une grande importance politique, une grande importance morale. A la veille du 26 février 1994 je l`ai proposé à notre Milli Medjlis. Le Milli Medjlis a pris une décision et "le jour du génocide de Khodjali", de la tragédie de Khodjali a été déclaré. Ce jour est un jour de deuil, un jour de tristesse, un jour tragique dans notre histoire, dans notre calendrier. Nous l`avons adopté légalement. Ceux qui ne l`ont pas fait un an après sont probablement des participants à ce crime, et c`est pourquoi ils ne l`ont pas fait. On ne peut pas simplement l`approcher par manque d`attention, comme de l`indifférence. S`il y a manque d`attention, est-ce qu`on peut avoir tant de manque d`attention? Est-ce qu`on peut avoir tant de manque d`attention, tant de l`indifférence pour le futur de sa nation, envers le sort de sa nation? Ces gens parlent d`ici, d`ailleurs, ils écrivent des choses étranges dans les journaux, ils sont occupés à différentes diffamations. Certains se sont enfuis et se cachent à Moscou, certains, je ne sais pas, se cachent dans les montagnes, certains sont ici dans l`opposition. Aujourd`hui aucun d`eux n`a moralement le droit de parler. Ils sont tous, de la tête aux pieds, responsable pour le crime qu`ils ont commis devant le peuple azernbaïdjanais, ils doivent répondre. S`ils ne répondent pas aujourd`hui, ils répondront demain.

En 1990, la tragédie de janvier a été commise contre le peuple azerbaïdjanais. On est arrivé à des postes importants grâce au sang versé pendant la tragédie de janvier. Dans les années suivantes, on s`est attaché à voiler, à masquer la tragédie de janvier. Oui, au début du janvier 1994, c`est moi qui ai proposé cette initiative au Milli Medjlis, de l`évocation de la tragédie de janvier, moi -président azerbaïdjanais. Vous savez que cette question a été discutée lors de la session du Milli Medjlis pendant plus d`un mois. Mais du mois de janvier 1990 au janvier 1994, cette question avait été voilée, les noms des coupables avaient été écrits, mais aucune décision n`avait été prise. Nous avons pris une décision. Le même scénario -en profitant de la tragédie de janvier, on a pris des postes, on a oubié le sang versé. Mais l`histoire l`a révélé. On a profité de l`évènement, de la tragédie de Khodjali, pour parvenir à des fonctions, on a voulu voiler cette tragédie. Maintenant, aujourd`hui l`histoire la dévoile aussi, l`histoire la dévoilera! L`histoire le dévoilera, tôt ou tard. Quand c`est tard, les gens vivent plus dans l`inquiétude, c`est un supplice. Mais quand on le fait à l`heure, chaque personne et le peuple entier trouvent un soulagement moral. C`est mon opinion.

Avec tout cela, aujourd`hui, en venant à cette rencontre, mon opinion essentielle, mon but, c`est-à-dire les paroles dans mon âme, dans mon cœur, étaient de partager le chagrin des Khodjalois. Ce chagrin est le chagrin de notre nation, cette tristesse est la tristesse de notre nation, cette tragédie est la tragédie de notre peuple, ce deuil est le deuil de notre peuple. Encore une fois je m`incline devant les exemples d`héroisme et de courage des Khodjalois, je présente mes hommages et mon respect à tous les Kkhodjalois et je déclare encore une fois que l`héroisme des martyrs ne sera jamais oublié, leur service devant le peuple, de l`Etat seront toujours dans notre cœur, ils vivront toujours.

Aujourd`hui je suis venu avec des sentiments très contradictoires, mais celui au-dessus de tous est le sentiment de la tristesse, du chagrin. C`est pourquoi, peut-être, je n`ai pas d`information, j`ai compris que certains de ceux qui ont combattu et témoigné de l`héroisme ont été nommés Héros National. Combien de personnes ont été nommées Héros National?

Elman Mammadov: Trois personnes.

Heydar Aliyev: Trois personnes, est-ce qu`il y en a d`autres qui ont reçu des médailles et des ordres?

Elman Mammadov: Une personne - Naghiyev Mammad, médecin de ce bataillon- a été décorée de l`ordre du "Drapeau de l`Azerbaïdjan", les autres n`ont pas été décorés. Mais il y a des documents qui leur ont été présentés.

Heydar Aliyev: Je trouve que nous devons récompenser les gens qui se sont distingués et nous devons les décorer. C`est pourquoi, moi, je charge notre appareil, Ramiz Mehdiyev, de vous réunir et d`étudier cette question, vous qui êtes tous ici. Sans doute, il est impossible de décorer chacun. Vous proposerez ceux dont vous jugez qu`il faut les décorer d`une médaille, d`un ordre d`Etat. J`ai pris la décision de le faire, j`attends de recevoir vos propositions. Vous tous, vous vous consultez. C`est une question autour de laquelle vous vous réunirez et vous vous consulterez. Par exemple, nos Commandants présentent les noms de ceux qui se sont distingués des autres au combat. Disons que cette personne s`est distinguée au combat, c`est pourquoi nous la décorons. Maintenant, quatre ans ont passé depuis cet événement. Mais vous tous, vous avez participé à cet événement, vous savez vous-mêmes ceux qui peuvent être décorés. Je pense qu`un groupe de personnes doit être décoré. J`attends vos propositions à ce propos. Vous voulez dire quelques choses? Je vous en prie.

Sattar Aghayev (habitant de Khodjali, père de deux martyrs): Mes deux fils sont devenus martyrs, je n`ai pas retrouvé leurs cadavres pour les ramener. J`ai donné une interview, j`ai parlé largement, mais on a écrit très peu. Mon fils qui est dans l`Armée a été blessé quatre fois au siège, a été amené à l`hôpital militaire d`Agdam, le nom de mon fils n`a été écrit nulle part, dans aucun journal. Je prie, les journalistes de parler avec moi en détails, que je puisse leur dire mon chagrin comme il faut.

Heydar Aliyev: Bon, je crois que, tout d`abord, notre rencontre d`aujourd`hui sera diffusée par la télévision. Deuxièmement, publiez dans le journal, intégralement, tous ces discours, cette rencontre et pas seulement les 25-26, mais désormais en général, faites régulièrement des communications dans la presse, des émissions à la télévision sur le génocide de Khodjali, sur la tragédie de Khodjali. Que les gens viennent, qu`ils disent leurs impressions. Par exemple, cet homme dit que ses deux fils sont morts. Qu`il vienne, qu`il parle, qu`on entende son chagrin, que lui-même trouve une consolation morale. Il y a beaucoup de gens dans cette situation, tout le monde doit pouvoir le faire. C`est pourquoi je donne une instruction générale aujourd`hui et ce sera, cela doit être publié régulièrement dans la presse, diffusé à la télévision et à la radio. Je le répéte, les doyens, les fonctionnaires, vous tous ensemble, vous vous asseyez et discutez de cette question. Présentez les gens qui ont été les derniers jours à ce processus, les gens qui se sont distingués, les gens qui le méritent. En tant que Président, je suis prêt à les décorer de médailles et d`ordres. En ce temp-là, s`ils ont montré un grand héroisme, mais qu`on a oublié leur service, je suis prêt à les nommer "Héros National", je suis prêt de faire tout cela. C`est-à-dire, quand je dis "je suis prêt", c`est mon devoir. Parce que ces héros, ils en méritent eux-mêmes. Je le propose aussi.

Que voulez-vous? Je vous en prie.

Latif Mammadov (père d`Alif Hadjiyev): Camarade Président, mes deux fils sont morts. L`un, Alif Hadjiyev, "Héros National", est mon fils; je suis témoin de ce que les Arméniens ont fait de mon autre fils sous mes yeux à Khodjali. J`y étais prisonnier de guerre, j`y suis resté 64 jours, à Beuyuk Taghlar, le village le plus haut de Choucha. Elman muellim, il le sait lui-même, on m`a changé du lieu de captivité le 24 avril 1992, je suis venu. La tombe de mon fils qui est "Héros National" est ici. Sur l`Avenue des Martyrs, mais mon autre fils, devant mes yeux, en quel état les Arméniens l`ont mis… Or, est-il resté, qu`est-ce qui est passé-il y a aucune information. Voilà mon état.

Heydar Aliyev: Comment vous-appellez-vous?

Latif Mammadov: Latif Mammadov, fils de Suleyman.

Heydar Aliyev: Latif muellim, je partage tout à fait votre chagrin. Je vous remercie d`avoir élevé des fils héroiques. L`héroisme de vos fils est de bonnes renommées dans notre peuple. Vous avez un grand chagrin, mais également, vous pouvez être fier d`avoir élevé de tels fils. Vous avez un grand droit moral. Maintenant qu`est-ce qu`il faut faire, quelle mesure faut-il prendre par rapport à ce que vous venez de dire, nous le faisons. Encore une fois, à l`égard de ce jour de deuil, à l`égard de la tragédie de Khodjali, je demande que le Dieu ait leurs âmes. Je prie de Dieu de patience pour tous les Khodjalois. Ceux qui sont devenus handicapés, invalides, je leur souhaite une bonne santé. Vous pouvez être sûr que désormais je n`épargnerai pas mes efforts pour le soin des Khodjalois.

Je trouve qu`on y a prononcé des paroles du cœur à mon propos. Je vous en remercie. Egalement, en écoutant vos paroles je comprends que chacune de ces paroles fait peser une grande responsabilité sur moi. Bien sûr qu`en assumant le poste du Président de la République d`Azerbaïdjan, j`éprouve le poids de mes responsabilités, je les éprouve toujours. Il n`y a pas un jour, pas une minute où je ne pense à ma responsabilité devant mon peuple, devant ma nation, devant ma Patrie. Mais chaque fois lors des telles rencontres, surtout dans le cas où des gens comme vous m`adressent à moi, j`éprouve ma responsabilité plus fortement et je le comprends.

Vous pouvez être sûr que je consacre toute mon expérience, toutes mes connaissances, toute ma vie pour la sortir le peuple azerbaïdjanais de cette dure situation, désormais je les consacrerai pour guider le peuple azerbaïdjanais vers un avenir heureux. J`espère que nous allons atteindre tous les buts que nous avons mis devant nous. Je ne vis pas seulement avec cet espoir, je travaille le jour et la nuit pour la réalisation de ces espoirs et pour leur mise en œuvre.

Merci, plus cette rencontre était triste, plus, également, elle avait un sens, plus elle renaissait des sentiments de la fierté. Je vous remercie pour cette rencontre. Merci.

Journal "Azerbaïdjan", le 25 février 1996