Déclaration de M. Heydar Aliyev, Président de la République de l`Azerbaidjan avec les représentants des principaux Mass-Média de la France - Paris, Hôtel de Crillon, le 27 mars 1997


Chers invités,

Je vous salue. Vous savez je suis arrivé à Paris hier soir. Ma venue est liée à certaines questions. Quelques heures plus tôt, j`ai rencontré le Président de la République M. Jacques Chirac avec qui j`ai eu un entretien approfondi. Aujourd`hui, à 16 heures, je vais rencontrer M. Hervé de Charrette, le Ministre des Affaires Etrangères. Ce soir je prendrai part à la cérémonie dédiée au 70ème anniversaire d`un éminent musicien, d`une personnalité publique, notre ami Mstislav Rostropovitch.

Vous savez que Mstislav Rostropovitch est né à Bakou. Ses parents ont travaillé longtemps à Bakou, en Azerbaidjan. Il est notre ami proche et il m`a invité personnellement à son 70ème Jubilé. C`est grâce à ces liens d`amitié qu`aujourd`hui je participerai à son 70ème Jubilé.

Cette nuit je m`envolerai pour Moscou. Demain, à 11 heures du matin, se tiendra la rencontre des Chefs d`Etat des pays membres de la Communauté des Etats Indépendants (C.E.I.). Evidemment, je participerai à cette réunion. Ensuite, j`aurai quelques rencontres à Moscou, où un entretien a été programmé avec le Président russe M. Boris Eltsine.

En arrivant à Paris l`Ambassadeur de l`Azerbaidjan en France, Mme Husseynova m`informait que les représentants de la presse voulaient me voir. Comme j`éprouve un grand respect envers les représentants de la presse, j`ai accepté cette proposition et je suis ici avec vous. Je sais que d`habitude vous posez des questions. Pour que notre rencontre soit plus sincère et plus vivante, je vous ai fait préparer un petit déjeuner.

Jacques Roumeular (Chef du Service de presse du Ministère des Affaires Etrangères français): Monsieur le Président, j`aimerais vous dire "soyez le bienvenu en France" au nom de mes collègues. Nous espérons que votre visite à Paris vous donnera satisfaction. Nous partageons votre appréciation sur l`art de Mstislav Rostropovitch, bakinois de naissance. Je souligne que nous, journalistes, partageons un intérêt commun à ces questions et à vos réponses. Monsieur le Président, merci beaucoup de nous avoir invités.

Question: Monsieur le Président, lors de votre rencontre avec M. Jacques Chirac, avez-vous parlé principalement de musique ou de pétrole?

Réponse: Non, nous n`avons pas parlé de musique. Nous allons parler de musique. Mais notre conversation a été essentiellement consacrée au conflit arméno-azerbaidjanais.

Vous savez qu`à la suite du sommet de Lisbonne, où se sont réunis les Chefs d`Etat membres de l`O.S.C.E., la France est devenue un des co-présidents de la Conférence de Minsk. Le 13 janvier, étant en visite officielle en France, j`avais eu des échanges approfondis à ce propos. Maintenant la France est déjà co-président de la Conférence de Minsk. Vous savez que la Conférence de Minsk a été créée en vue de trouver une solution au conflit arméno-azerbaidjanais. La concrétisation de ces entretiens a été la désignation de la France comme co-président de la Conférence de Minsk.

Question: Ma question concerne le groupe de Minsk. On dit que l`Azerbaidjan, d`une manière générale, souhaite conférer un rôle prioritaire à la co-présidence des Etats-Unis dans le cadre de cette Conférence de Minsk.

Réponse: Le changement au sein du groupe de Minsk est un processus. Vous savez que l`un des co-présidents était la Russie et que l`autre était la Finlande. Après que la Finlande ait été écartée de cette présidence, on a bien sûr évoqué la question de son successeur. Il est satisfaisant que plusieurs pays aient manifesté leur intérêt pour ces questions. C`est très appréciable. Cela signifie que ces pays veulent œuvrer à la résolution de ce conflit et s`engager dans ce processus. Aussi les Etats-Unis et la France ont-ils présenté leur candidature. L`Allemagne a également proposé sa candidature. C`est ainsi qu`une délibération s`est mise en place au terme de laquelle une décision de nomination des trois co-présidents fut prise. La Russie était dès le début co-président. Plus tard, les Etats-Unis et la France en sont devenus les co-présidents. C`est une très bonne décision. Je pense que cette décision portera de bons résultats. Nous nous en réjouissons et nous en attendons des résultats pratiques.

Rendez-vous compte, trois grandes nations du monde, la Russie, la France et les Etats-Unis ont montré leur attachement à la résolution du conflit arméno-azerbaidjanais! Cela nous réjouit beaucoup. Je crois que ces trois pays peuvent, en leur qualité de co-président, accélérer la recherche d`une réponse à cette question et mettre enfin un terme à ce conflit.

Question: Monsieur le Président, j`aimerais poursuivre sur ce thème et vous poser une nouvelle question. Demain, vous rencontrerez votre homologue arménien à Moscou. Quelle est votre opinion sur la nomination du chef du Haut-Karabagh au poste de Premier Ministre de l`Arménie?

Réponse: Je vais rencontrer M. Ter Petrossian demain à Moscou. Dans un premier temps, nous participerons ensemble au sommet des Chefs d`Etat. Nous nous sommes déjà parlés au téléphone et avons convenu d`une rencontre directe après le sommet. Concernant la nomination du Premier Ministre d`Arménie, nous le connaissions en tant que chef de la communauté arménienne du Haut-Karabagh. La nomination de Kotcharian à ce poste est très surprenante. Car le Karabagh n`est pas à l`intérieur de l`Arménie. Le Haut-Karabagh est "de jure" à l`intérieur de l`Azerbaidjan. Bien qu`il soit "de facto" hors de la juridiction de l`Azerbaidjan, il n`a fait l`objet d`aucune reconnaissance internationale dans le monde. C`est pourquoi une personne qui n`est pas citoyen de l`Arménie - mais qui était le dirigeant de la communauté arménienne du Haut-Karabagh, lequel est une partie de l`Azerbaidjan - et qui s`est auto-proclamée "Président" illégalement, et qui fait l`objet d`une nomination au poste de Premier Ministre est un signe négatif.

Je suis satisfait que le gouvernement français ait déjà rendu public sa position à ce sujet. Le Ministère des Affaires Etrangères français a fait une déclaration. Dans cette déclaration est dit qu`il désapprouve cette nomination. M. Jacques Chirac m`en a parlé aujourd`hui. Il a souligné qu`on ne peut en aucune façon permettre que Kotcharian, une fois devenu le Premier Ministre de l`Arménie, demeure simultanément le dirigeant du Haut-Karabagh.

Question: Monsieur le Président, vous venez de parler des efforts de trois grands pays - les Etats-Unis, la France et la Russie - dans la recherche d`une solution à ce problème. N`avez-vous pas l`impression actuellement qu`il existe dans le monde un super-Etat et qu`il veut s`arroger le monopole de la résolution de cette affaire et dicter ses conditions aux autres?

Réponse: Vous savez, nous n`avons pas ce sentiment. Bien sûr les Etats-Unis sont un Etat puissant, mais la France et la Russie sont aussi des grands Etats. Dans la communauté mondiale chaque pays a une place qui lui est propre. Peut-être ressentez-vous fortement ce que vous venez de dire. Mais nous sommes un petit Etat. Pour nous, tous les grands Etats sont des grands Etats. Pour nous, il n`y a aucune différence entre celui qui est plus grand et celui qui est moins grand.

Question: Etes-vous satisfait de la Présidence collective de ces trois Etats du groupe de Minsk? Etes-vous convaincu de leur neutralité? Ou bien que pourriez-vous dire si un de ces Etats inclinait en faveur de l`Azerbaidjan ou de l`Arménie et accordait sa préférence à l`un des deux?

Réponse: Vous savez, je ne peux pas dire que je suis absolument content du cours des choses jusqu`à présent. Si la question était résolue, alors je pourrais dire que je suis absolument content. Parce qu`en 1994, à peu près trois ans plus tôt nous avons signé un accord de cessez-le-feu entre l`Arménie et l`Azerbaidjan. Il y aura juste trois ans au mois de mai 1997. Il y a trois ans qu`il n`y plus de combats. On ne verse plus de sang. C`est bien. Mais ces trois ans représentent un délai pendant lequel il aurait été possible de résoudre ce conflit en peu de temps. Si cette question n`a pas encore été résolue, nous devons bien sûr y prendre notre part de responsabilité, mais c`est surtout au groupe de Minsk, créé pour résoudre cette question, et notamment à ses co-présidents, de s`interroger sur sa part de responsabilité.

La France et les Etats Unis sont devenus les coprésidents au mois de février de cette année. Ils n`ont encore rien fait. Mais à la suite de l`entretien que nous avons eu avec le Président Jacques Chirac, j`ai eu cette impression que la France voulait s`occuper sérieusement de cette question. Monsieur Hervé de Charrette, Ministre des Affaires Etrangères, viendra dans notre région, il passera en Arménie, en Azerbaidjan et à Moscou, cela en est un fait. Après que la France ait éténomméeco-président, la visite immédiate de son Ministre des Affaires Etrangères dans la région sera un signe très positif qui est également très encourageant.

Encore une fois je souligne que la partie essentielle de notre entretien avec Président Jacques Chirac a été consacrée à ce sujet. Les opinions du Président Jacques Chirac, ses considérations sur le problème m`ont rassuré et m`ont donné beaucoup d`espoir. C`est pourquoi je suis très optimiste pour les mois qui viennent. Je trouve que l`initiative de la France, c`est-à-dire lavenue de Monsieur Hervé de Charrette, Ministre des Affaires Etrangères dans la région sera un exemple pour les autres co-présidents.

Question: A la différence de la Géorgie et de l`Arménie vous avez refusé la présence de l`armée russe sur dans votre territoire. Outre cela, il nous semble qu`il y a certaines discussions en cours sur le statut de la mer Caspienne entre la Russie et vous. C`est-à-dire la Russie n`hésite pas à manifester sa volonté de vous placer danssa sphère d`influence. Demain vous serez au sommet de la CEI. Quelle possibilité avez-vous de protéger la ligne politique de votre pays et qui va vous soutenir, sur qui comptez-vous?

Réponse: A la différence de la Géorgie et de l`Arménie, l`absence de cantonnements de l`armée et des unités militaires russe chez nous -en Azerbaidjan - illustre notre indépendance totale. Actuellement il y a aucun besoin de la présence des armées et des unités militaire russes en Azerbaidjan. Je ne sais pas pourquoi la Russie garde ses unités militaires en Géorgie et en Arménie. Aujourd`hui la Russie fait face à beaucoup de problèmes, et dans le domaine militaire elle en a beaucoup aussi. Dans une telle situation la présence des armées russes dans les autres pays indépendants - en Arménie et en Géorgie - n`est pas logique. C`est pourquoi je ne le trouve pas correct. Je m`élève même contre cela.

Quant aux discussions entre la Russie et nous sur la question de la mer Caspienne, si vous avez une approche réaliste, il y a aucune dispute. Il y a des jalousies dans certaines sphères de la Russie par rapport des traités conclus entre l`Azerbaidjan et les sociétés pétrolières des pays occidentaux. Mais cela est sans fondements. Parce que "LUKoil" la grande société pétrolière russe avait pris part aux trois contrats sur les cinq. Pourquoi est-on jaloux, je ne comprends pas. Enfin, la Russie était très inquiète que nous choisissions un autre itinéraire pour la construction de l`oléoduc qui conduira le pétrole sur le marché international. Mais nous avons décidé que soient construits simultanément deux oléoducs pour acheminer le pétrole sur le marché mondial, l`un d`eux à travers le territoire de la Russie jusqu`au port de Novorossiysk à la mer Noire, un second à travers le territoire de la Géorgie jusqu`au port de Supsa à la mer Noire également. C`est-à-dire nous y avons ménagé les intérêts de la Russie.

Le fait est que nous avons déjà construit la partie azerbaidjanaise de l`oléoduc en direction dunordqui traversera le territoire de la Russie. Les sociétés du consortium ont dépensé 50 millions de dollars pour la construction de cet oléoduc. Mais le côté russe n`est pas prêt à recevoir ce pétrole. Nous n`avons pas seulement construit cet oléoduc, nous l`avons même rempli de pétrole. Nous menons des négociations avec la Russie pour qu`elle accepte ce pétrole.

Deux jours plus tôt j`étais en visite officielle en Ukraine. Le président de la Société des Pétroles d`Etat d`Azerbaidjan était avec moi à Kiev. Je l`ai envoyé à Moscou poursuivreles négociations avec la Russie. Demain dès que je serai à Moscou il m`informera des résultats de ces négociations.

Vous voyez nous protégeons notre indépendance et nos intérêts nationaux. Mais dans la mesurede nos possibilités nous réussissons à ménager les intérêts des pays limitrophes. C`est pourquoi le côté russe n`a pas de raisons d`être mécontent de l`Azerbaidjan.

Question: Monsieur Président, je voudrais vous poser une autre question. On voit clairement qu`Eltsine montre son mécontentement quand on parle de l`élargissement de l`OTAN, et surtout qu`il ne veut pas de l`élargissement de l`OTAN aux trois pays baltes. Vous avez rencontré votre homologue ukrainien. Plus tôt quand il était en France il a dit qu`il était en faveur de l`élargissement de l`OTAN. Et vous, quelle est votre position personnelle par rapport à l`élargissement de l`OTAN? Il ne vous semble pas que M. Eltsine peut montrer une grande résistance dans ce domaine?

Réponse: M. Eltsine a rencontré M. Bill Clinton à Helsinki. Ces questions ont été discutées. Monsieur Eltsine va nous informer sur ces questions demain. Une fois informé je pourrai présenter mon opinion.

Question: Monsieur Président, ma question porte sur le sommet de demain des chefs des Etats des pays membres de la Communauté des Etats Indépendants. Vous savez qu`en raison del`état de santé de M.Eltsine la tenue de ce sommet a été plusieurs fois différée. Je voudrais savoir comment on voit les intérêts de l`Azerbaidjan à ce sommet? En général, comment voyez-vous les choses par rapport à l`Europe, et la tendance au développement des relations avec elle, et par rapport à la Russie, si des liens forts vous retiennent à elle, en somme, comment concilier tout cela avec les intérêts nationaux de l`Azerbaidjan?

Réponse: Premièrement, il est vrai que le sommet des chefs d`Etats de la CEI ne s`est pas tenu depuis longtemps. En raison de l`état de santé de Boris Yeltsin ce sommet a été plusieurs fois reporté. J`estime qu`il y aura un très vaste échange de vues lors du sommet de demain. Et nous, comme d`habitude, en protégeant nos intérêts nationaux également, demain nous allons nous efforcer de favoriser le développement de la coopération à la Communauté des Etats Indépendants.

Vous avez demandé si nous voulons rester proches de la Russie ou tendre vers l`Europe. Je veux éclairer un peu cela. La Russie est aussi l`Europe. L`Azerbaidjan est un pays qui a fait son entrée en Europe. Nous voulons intégrer toutes les structures de l`Europe. Nous, par exemple, voulons être membre duConseil de l`Europe. Notre République a été acceptée avec le statut d`hôte. Mais je crois possible que cette année, au mois de mai ou juin, se pose la question de devenir membre à part entière duConseil de l`Europe.

Au mois d`avril de l`année passée nous avons signé un accord de coopération avec l`Union Européenne à Luxembourg. Nous voulons coopérer avec toutes les structures de l`Union européenne. Nous avons une bonne coopération avec la Commission Economique de l`Union européenne. Ce sont des initiatives qui ne sont pas en contradiction avec le principe d`une coopération bilatérale et réciproque avec l`UE et la Russie.

Nous sommes un Etat indépendant et voulons jouir de tous les droits quidécoulent de notre indépendance. J`estime qu`aucun pays quel qu`il soit ne doit l`entraver.

Question: Monsieur Président, autant que je sache l`Azerbaidjan n`a jamais eu une grande armée. Est-ce que vous pensez consacrer une certaine partie des revenus du pétrole à former une grande armée?

Réponse: Non! Nous essayons d`orienter le revenu de la production de pétrole vers l`amélioration de l`économie de notre pays et de l`état social de notre peuple. Nous avons une politique pacifique et nous souhaitons avoir des relations d`amitié et de bienveillance avec tous nos voisins, et ne pas avoir besoin d`entretenir unegrande armée.

Après avoir résoluce conflit avec l`Arménie notre politique pacifique peut être plus réussie.

Question: Monsieur Président, il y a un pays qui est votre voisin, nous n`avons pas parlé de ce pays. C`est l`Iran...Monsieur Président je voudrais savoir votre position par rapport à l`Iran, en général, est-ce qu`il y a eu une tentative d`exportation de la révolution iranienne? En général comment voyez-vous le développement futur de l`Iran?

Réponse: L`Iran est notre grand voisin. Nous avons une large frontière avec l`Iran. Beaucoup d`Azerbaidjanais habitent en Iran. Selon certaines informations, en Iran habitent approximativement 30 millions d`Azerbaidjanais. Ne pensez pas que vous savez tout ici en France. Vous ne savez pas beaucoup de choses.

Journaliste: En disant 30 millions d`Azerbaidjanais vous voulez dire des Iraniens d`origine azerbaidjanaise?

Réponse: Bien sûr, je dis les Azerbaidjanais. Comment d`origine? Ce sont les vrais Azerbaidjanais. Historiquement, l`Azerbaidjan a été unique. Au début du XIX siècle, à la suite des guerres entre la Russie et l`Iran, l`Azerbaidjan a été partagé en deux. Sa grande partie est restée à l`intérieur de l`Iran, et s`ytrouve encore à ce jour. Une petite partie est restée à l`intérieur de la Russie. L`Azerbaidjan qui était à l`intérieur de la Russie est aujourd`hui l`Azerbaidjan où nous habitons. Il n`y a que la rivière Araxe entre nous. Dans certains endroits il n`y a même pas la rivière Araxe. Entre le village qui est en Iran et notre village il y a une distance de 100 mètres. C`est pourquoi tous les habitants frontaliers du côté Iran sont tous azerbaidjanais. Vous devez le savoir.

Mais bien sûr, ils sont citoyens de l`Iran. Comme nous reconnaissons l`intégrité territoriale de tous les pays, nous en reconnaissons celle de l`Iran. C`est pourquoi il y a de bonnes relations entre l`Iran et nous. Avoir la même religion et les mêmes traditions améliore davantage nos relations.

A propos de l`influence de la révolution islamique enAzerbaidjan, cela n`a aucune influence sur l`Azerbaidjan. La République d`Azerbaidjan indépendante que je représente a son régime d`Etat, ses principes d`Etat. La République d`Iran a aussi son régime d`Etat et ses principes. Nous n`intervenons pas dans leurs affaires intérieures, eux aussi, ils ne doivent pas intervenir à nos affaires intérieures.

Question: Est-ce que vous pensez que le futur de l`Azerbaidjan passe à travers des Etats Unis ou bien de la coopération avec les pays d`Asie Centrale?

Réponse: Ni par l`un, ni par l`autre. Le futur de l`Azerbaidjan passe à travers son indépendance étatique. Vous savez que j`ai beaucoup travaillé pour l`Azerbaidjan et que dans le passé j`ai été un des responsables étatiques de l`Union Soviétique. Mon expérience de vie, ce que j`ai vu, ce que je sais, m`a conduit à vers cette idée définitive: le futur de l`Azerbaidjan est attaché à son indépendance étatique et à sa liberté nationale.

Bien sûr, le maintien de l`indépendance étatique n`est pas facile. Mais je veux vous dire que la majorité absolue de notre population veut voir l`Azerbaidjan comme un Etat toujours indépendant. Bien sûr, nous voulons coopérer avec tous les pays, y compris avec les Etats Unis qui sont très riches économiquement. En vertu des contrats pétroliers que nous avons signés, les grandes sociétés pétrolières de l`Amérique entreprennent des travaux en partenariat avec nous. Je l`apprécie positivement. Mais simultanément, la société de la Grande Bretagne "BP", celle de Norvège "Statoil" y prennent une grande place. Et aussi la société française "Elf Aquitaine". En venant ici j`ai vu M. Philippe Jauffret, président de la société "Elf Aquitaine" de la France et je l`ai salué. Il s`exprime dans la salle voisine. Au mois de janvier nous y avions signé un contrat avec la société "Elf Aquitaine" dans lequel la société "Total" est aussi entrée.

Le Japon prend des parts aussi dans nos contrats pétroliers, ainsi que la Russie, la société "Agip" d`Italie, celle de l`Arabie Séoudite "Delta", celle de Turquie "Turk petrollari" y sont aussi. Vous voyez, notre coopération est très large. L`Iran participe aussi à nos contrats.

Nous voulons, comme vous venez de le souligner, coopérer étroitement avec les pays de l`Asie Centrale. Nous avons une bonne coopération avec la Géorgie voisine. Par exemple, la société "Chevron" de l`Amérique extrait du pétrole du gisement de "Tengiz" au Kazakhstan et, pour exporter ce pétrole sur le marché étranger, elle utilise l`oléoduc qui est en Russie et,parallèlement, emprunte une autre voie qui traversela mer Caspienne et le territoire de l`Azerbaidjan et de la Géorgie avant de parvenir à la Mer Noire. Nous avons donné notre approbation. Ainsi, nous avons engagé une coopération avec le Kazakhstan et "Chevron".

Enfin, au mois de mai de l`année passée, nous - Ouzbekistan, Turkmenistan, Azerbaidjan et Géorgie, avons signé un grand accord sur le grand axe TransCaucase pour le transport de fret de l`Asie Centrale à l`Europe à travers la mer Caspienne, l`Azerbaidjan et la Géorgie. L`Ukraine, le Kazakhstan et le Kirghizstan se sont joints à cet accord.

Quand j`étais en Ukraine nous avons consenti que, dans le futur, le territoire ukrainien serve de voie d`exportation du pétrole de l`Azerbaidjan, de la mer Caspienne versl`Europe.

C`est ainsi que je vois le développement futur de l`Azerbaidjan.

Question: Monsieur le Président, Je voudrais vous poser une question personnelle. Cette question découle de votre conversation. Vous avez tout à l`heure souligné que vous avez été un des dirigeants de l`ex-URSS. Pendant ces années-là, comment résolviez-vous la contradiction entre le faitd`être un Azerbaidjanais et être un haut responsable de l`URSS? En tant qu`Azerbaidjanais, est-ce que vous vous voyiez comme un patriote, et comment avez-vous accordé ces deux forces, cette tension à laquelle que vous vous êtes heurtés dans votre carrière?

Réponse: A cette époque il n`existait pas une telle contradiction. L`Azerbaidjan était une des Républiques constitutives de l`Union Soviétique. J`étais entré dans les organes exécutifs de l`Union Soviétique en tant que chef de l`Azerbaidjan. Quand je travaillais à Moscou, quand j`étais un des dirigeants de l`Union Soviétique, bien sûr, j`ai essayé d`accomplir les devoirs qui m`incombaient. Mais simultanément, je n`ai jamais oublié que j`étais azerbaidjanais, mon nationalisme et mon patriotisme. Au contraire, quand j`étais en fonction à Moscou et que j`étais un des dirigeants de l`Union Soviétique, j`ai essayé d`en profiter pour accélérer le développement de l`Azerbaidjan.

Mais également, être un des hauts dirigeants de l`Union Soviétique, mon poste à haute responsabilité à Moscou était un fait rare, c`est-à-dire un événement qui n`avait jamais eu lieu jusqu`alors. Historiquement, jamais un Azerbaidjanais, un musulman, n`avait été nommé au rang de dirigeant de l`Empire Russe ou de l`Union Soviétique. Cela prouve qu`un Azerbaidjanais, un musulman, pouvait accéder désormais à un tel poste de responsabilité.

Journaliste: En tout cas c`est un géorgien qui en avait été le premier.

Réponse: Il y a toujours eu un Géorgien. Mais jamais un musulman. Le Géorgien est un chrétien, sachez ça. Mais la Russie n`a jamais laissé un musulman à Moscou. Staline n`était pas le seul Géorgien. Il y a eu d`autres Géorgiens en plus de Staline.

Mais dans le cadre de mes fonctions je me suis heurté à des faits que je n`acceptais pas. Pour cette raison j`ai démissionné de mon poste à Moscou en 1987.

Question: Monsieur le Président, si vous permettez je voudrais vous poser une question sur l`économie. Vous venez de dire que pour établir des coopérations dans le secteur pétrolier il existe de nombreux partenaires désireux de s`engager. Les analyses réalisées par les spécialistes indiquent qu`en 2005-2010 l`Azerbaidjan extraira à peu près 700 mille barils de pétrole par jour. Est-ce vrai? Ma deuxième question est: vous avez dit et nous avons compris que les revenus du pétrole ne seront pas employés pour la formation d`une forte armée, mais que vous les utiliseriez pour augmenter le développement économique et le bien-être de votre pays. Pour vous, quels sont les secteurs de l`industrie les plus importants? Enfin, aujourd`hui vous allez rencontrer notre Ministre des Affaires Etrangères. Nous voudrions savoir dans quels domaines la France pourrait vous aider en matière d`investissements?

Réponse: Premièrement, au début de l`an 2000, combien de pétrole sera extrait - je ne peux pas le dire précisement. Mais il me semble que ce sera plus que le chiffre que vous venez de dire. Bien sûr, s`il n`a pas des entraves, s`il ne se passe pas une nouvelle tragédie, c`est-à-dire, si le travail avance normalement. J`estime que ce sera normal. Ce que vous dites à propos de l`investissement, bien sûr, aujourd`hui nous avons des investissements dans le domaine de l`industrie de pétrole et de gaz et dans les infrastructures. Vous savez, maintenant, en Azerbaidjan il y a 60 bureaux de sociétés venant d`un petit pays comme la Norvège. Les contrats pétroliers ont conduit à la création de grands consortiums, qui sont des groupements rendus nécessairespour lancer l`exploitation.

En fait, ce ne sont pas seulement les grandes sociétés qui ont conclu des contrats pétroliers, mais de nombreuses autres sociétés qui s`établissent en Azerbaidjan et exécutent ces contrats. C`est pourquoi maintenant on investit bien plus dans lesinfrastructures. Le raffinage du pétrole et du gaz et l`industrie para-pétrolière seront beaucoup développés. Ainsi que l`industrie chimique - parce que c`est une industrie qui a des liens étroits avec le pétrole et le gaz - et aussi les constructions mécaniques.

Nous avons un grand complexe agricole. On traite les productions de l`agriculture, le coton, on produit du tabac, on procède à sa transformation, la production des fruits, des légumes, leur traitement industriel s`est beaucoup développé.

En Azerbaidjan existent l`industrie du textile, la sidérurgie et la métallurgie non-ferreuse, la production de l`aluminium. Actuellement, le programme de la privatisation est en cours. Il y a de grands établissements industriels. Après la privatisation tous ces domaines seront modernisés et un grand potentiel économique sera créé.

Parmi les pays de la CEI, c`est-à-dire, parmi les pays constituant l`ex-Union Soviétique, nous sommes ceux qui avons adopté la loi la plus radicale sur la reforme foncière - abolition des kolkhozes et des sovkhozes et partage de la terre entre les exploitants et les personnes privées. La terre est devenue une propriété privée; le propriétaire de la terre peut la vendre ou la donner à quelqu`un d`autre. Nous estimons que cette réforme assurera un développement rapide de la production agricole.

D`une manière générale, des réformes économiques en vue de l`instauration d`une économie de marché seront réalisées rapidement cette année et dans les années suivantes.

Question: Monsieur le Président, je voudrais vous poser ma dernière question. Vous avez parlé de la privatisation. Est-ce que vous allez former un organe comme en Allemagne de l`Est qui s`occupera de la privatisation foncière? Après la privatisation foncière allez-vous vous adresser aux investisseurs des Etats européens ou d`autres pays pour apprendre par étapes à mettre en place un système capitaliste?

Réponse: Oui, je pense que nous essaierons d`utiliser tout cela. Les processus de la vie nous y obligeront. Une fois que nous aurons achevé la privatisation, que nous aurons remis la terre aux propriétaires privés, nous devrons prendre des mesures pour la mettre en valeur efficacement. En Europe, la culture de l`utilisation de la terre est très élevée. Dans votre pays - en France - il y a une très bonne expérience et beaucoup de réussites dans ce domaine. Nous essaierons de profiter de toutes ces expériences, y compris l`expérience de la France. Une fois sur ce chemin, nous devrons profiter des expériences des pays qui ont déjà emprunté ce chemin.

Jacques Rumelar: Merci beaucoup, Monsieur le Président. Pour votre hospitalité et pour toutes ces explications que vous nous avez exposées aujourd`hui, nous vous présentons nos remerciements. Vous avez donné beaucoup d`informations à la presse française. Encore une fois nous vous souhaitons un bon séjour en France.

Heydar Aliyev: Merci, je vous remercie. Je suis très content de cette rencontre, je suis prêt à vous voir toujours à l`avenir. Je vous invite vous tous, chacun de vous en Azerbaidjan. Trouvez du temps, venez en Azerbaidjan. Là, vous pouvez recueillir plus d`information sur l`Azerbaidjan.