Entretien de Heydar Aliyev, Président de la République de l´Azerbaïdjan, lors de la réception ‎de Lord George Robertson, Secrétaire Général de l´OTAN, et de la délégation qui ‎l´accompagne - Le 16 janvier 2001‎


Heydar Aliyev: Monsieur le Secrétaire Général!

Chers invités!

Soyez le bienvenu en Azerbaïdjan. Je vous salue sincèrement. L'Azerbaïdjan participe au programme "Partenariat pour la paix" de l'OTAN depuis 1994. Je me rappelle mes rencontres à Bruxelles, au siège de l'OTAN, pour la première fois et ma signature sur le document "Partenariat pour la paix". Depuis, il s'est passé 6 ans et pendant ce délai, je trouve que notre coopération a bien progressé. Nous, naturellement, nous l'apprécions hautement. J'ai le sentiment que nous nous dirigeons vers une bonne coopération.

Monsieur le Secrétaire Général, je crois que vous êtes venus dans le même esprit dans notre région. Du point de vue personnel, je suis très content de vous revoir. Je me rappelle nos rencontres à Moscou et nos conversations très précises à Londres. Maintenant, vous êtes venu enfin au Sud, en Azerbaïdjan.

Je sais que vous étiez allés en Géorgie un peu plus tôt. Mais pas en Azerbaïdjan, ni en Arménie, c'est à dire vous n'aviez pas été dans deux des trois pays du Caucase du Sud. Maintenant vous êtes allés en Arménie et enfin, vous voici en Azerbaïdjan. C'est un grand plaisir pour moi. Je vous en prie.

Georges Robertson: Monsieur le Président, y venir pour la première fois et vous rencontrer me réjouit beaucoup. Comme je vous l'avais écrit dans ma lettre, je regrette infiniment de ne pas avoir eu la possibilité d'y venir au mois de septembre, comme cela avait été envisagé. En ce temps-là il y avait la crise de Yougoslavie et c'est pourquoi j'ai du restreindre mes projets de visites et je n'ai pu aller seulement en Géorgie. Mais à cette époque-là, j'avais bien déclaré, et d'une manière précise, que ma tâche ne pouvait être complète sans une visite dans tous les pays du Caucase du Sud. C'est pourquoi la possibilité d'y venir et de vous revoir pour la troisième fois me réjouit beaucoup.

Vous, vous-mêmes, vous venez de souligner qu'il s'est écoulé déjà 6 ans depuis l'adhésion de l'Azerbaïdjan au programme "Partenariat pour la paix". Nous apprécions hautement que l'Azerbaïdjan joue un rôle important dans ce programme. C'est un plaisir d'y revoir le Ministre des Affaires Etrangères de l'Azerbaïdjan parce qu'il joue un rôle important, surtout dans les sessions depuis mon arrivée à ce poste. Bien sûr, vous étiez Président de ce pays bien avant que je ne sois devenu le Secrétaire Général de l'OTAN. Mais il me semble que nous avons beaucoup de points communs, et pas seulement le programme "Partenariat pour la paix", c'est à dire nous avons un profond et vrai intérêt pour les questions de paix, de sécurité, de stabilité dans cette région, de grande importance pour le monde. J'attends impatiemment de visiter cette belle ville de Bakou, j'attends impatiemment l'aube qui me permettra de voir pour la première fois la mer Caspienne.

A propos, je suis né à 10 mètres de l'océan Atlantique, c'est pourquoi la possibilité de voir une des mers importantes du monde m'intéresse beaucoup.

Heydar Aliyev: Il y a des similitudes entre l'Ecosse et l'Azerbaïdjan.

Georges Robertson: Je suis bien convaincu qu'il existe beaucoup de similitudes et pendant cette journée de mon séjour, nous allons les découvrir.

Heydar Aliyev: Monsieur le Secrétaire Général, je vous remercie. Je voudrais encore une fois vous faire part de ma gratitude pour cette visite en Azerbaïdjan. Mais vous avez prévu peu de temps pour ça. Il est clair que pour nos entretiens et pour vos autres rencontres cette durée est suffisante. Mais pour connaître Bakou, pour bien observer la mer Caspienne, il faut beaucoup plus de temps. Je sais que notre personnel responsable fait en sorte que vous voyiez beaucoup de choses pendant ce court laps de temps. Mais pour nous, l'essentiel est que, en adhérant au programme du "Partenariat pour la paix", nous avons accepté comme objectif le rétablissement de la paix partout dans le monde entier, incluant le Caucase. Le titre du programme le prouve-"Partenariat pour la paix". Mais vous savez que maintenant il n'y a pas de paix au Caucase, au Caucase du Sud. C'est vrai, le conflit n'est pas actif, mais pour autant il n'y a pas non plus la paix.
Vous y êtes venu par l'Arménie, j'imagine il y a eu aussi des négociations. Mais il est regrettable qu'à cause de la position non-constructive de l'Arménie nous n'ayons pas encore résolu le conflit arméno-azerbaïdjanais par la voie de la paix.

L'OTAN est avant tout une organisation militaire. C'est pourquoi elle sait très bien qui est coupable du conflit et qui est le responsable des résultats du conflit. Si on tente une approche équitable de cette question, il faut reconnaître que c'est l'Arménie qui a déclenché ce conflit. En 1988, ayant des prétentions sur le Haut-Karabagh, qui est une partie intégrante de l'Azerbaïdjan, elle a engagé le conflit, ensuite ce conflit s'est transformé en une guerre. Cette guerre qui a continué quelques années, il est vrai qu'elle ne s'est pas déroulée de la même manière de ce côté et de l'autre côté. Mais c'était seulement la guerre et pour différentes raisons - mais pas parce que l'Azerbaïdjan était moins fort que l'Arménie - les forces armées de l'Arménie ont envahi 20% du territoire de l'Azerbaïdjan. Un million d'Azerbaidjanais ont été expulsés de ces terres désormais occupées et il y a déjà 7 ou 8 ans qu'ils vivent dans des conditions très difficiles, la plupart vivant sous des tentes.

Ces opérations indignes se sont déroulées sous les yeux du monde entier. Ainsi que sous ceux de l'OTAN. Je le dis encore une fois, le but principal de l'OTAN - c'est ainsi que nous le comprenons, malgré ceux qui trouvent que l'OTAN a soi-disant des vue hégémoniques - c'est au moins d'établir la paix en Europe. Je viens de prononcer le mot "hégémonie", ce n'est pas nous qui disons cela, mais certains le disent. Au contraire nous la jugeons comme une organisation qui garantit la paix. Vous vous êtes présentés en Yougoslavie, vous avez fait face à l'injustice. Mais l'injustice existe encore. Je pense que nous allons parler encore avec vous de cette question.
 
En un mot, la sécurité au Caucase du Sud est liée à de nombreuses questions. Mais tout d'abord, il faudra mettre un point final aux conflits des pays du Caucase du Sud. Parmi ceux-ci le conflit arméno-azerbaïdjanais prend une place importante. C'est à dire que ce n'est pas un conflit entre un groupe ethnique ou une minorité d'un quelconque pays, c'est un conflit entre deux Etats indépendants. C'est un conflit entre deux pays qui sont membre de l'ONU, membres de l'OSCE, et qui agissent ensembles dans le programme de "Partenariat pour la paix". C'est pourquoi nous estimons que toutes les organisations, incluant l'OTAN, doivent se saisir de cette affaires avec une très grande attention. Une telle situation ne peut pas durer toujours et ne doit pas continuer.

C'est pourquoi, je le répète, nous pourrons discuter de nombreuses questions. C'est la question la plus centrale pour nous. C'est pourquoi je vous exprime ma pensée à ce propos.

George Robertson: Monsieur le Président, merci. Je voudrais simplement commenter un point. Puisque nous nous rencontrons cette fois ici, face au public, je voudrais vous remercier, remercier votre gouvernement, votre peuple pour vos casques bleus qui participent au processus de stabilisation de la situation à Kosovo. Peut-être ceci est-il la plus grande opération d'édification pacifique dans le monde jusqu'aujourd'hui. Bien sûr, ces armées ne consistent pas seulement en des forces militaires des pays de l'OTAN, mais aussi de celles de la Russie, des pays non-membres de l'OTAN, ainsi que de l'Azerbaïdjan. Nous vous sommes reconnaissants pour cette aide.

Quant à la question du Haut-Karabagh, je voudrais simplement dire que l'OTAN ne s'occupe pas de cette question, ce n'est pas la mission de l'OTAN de préciser le niveau de responsabilité des différentes parties au conflit. Il est probable que vous savez déjà que j'ai eu une rencontre importante avec le Président de l'Arménie Kotcharyan avant ma visite en Azerbaïdjan et je lui ai dit aussi ce que je vais vous dire.

Il y a un problème très sérieux et important et son influence ne se limite pas seulement au Caucase du Sud, mais s'étend à toute la région. Nous devons résoudre ce problème par tous les moyens. Si ce problème reste irrésolu par les protagonistes de ce conflit nous ne pourrons pas nous débarrasser aucunement des problèmes économiques, sociaux et militaires qui accompagnent les conflits à long terme. Pourtant, tout dépend directement des participants à ce conflit et j'espère que vous allez parvenir à un accord très bientôt.

Je crois que les Présidents arménien et azerbaïdjanais ont une grande expérience et assez de courage pour définir la bonne position et la voie de résolution de ce conflit et ils voient ce conflit à grand échelle. Ainsi, la solution à ce problème sera un bon exemple non seulement pour le Caucase du Sud mais aussi pour toute l'Europe.

Les autres organisations, l'OSCE, le groupe de Minsk, par exemple, peuvent aider à trouver une telle décision. La semaine précédente, la visite de Poutine, le Président russe, en Azerbaïdjan m'a beaucoup satisfait. J'apprécie hautement sa proposition d'intermédiation. Mais je veux proposer à votre considération le fait que sans chercher de voie de résolution de ce conflit l'OTAN va le soutenir par tous les moyens, les efforts internationaux de la recherche d'une décision, et ensuite nous effectuerons le monitoring pour faire respecter ce traité. Nous allons rediscuter cette question avec vous, mais je veux dire que j'évalue l'importance de cette question non seulement au niveau de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie, mais aussi au niveau de la région, pour l'Europe. (Heydar Aliyev, le Président de la République d'Azerbaïdjan, a remercié encore une fois le Secrétaire Général de l'OTAN et a offert à Monsieur Robertson le livre, en anglais, intitulé "Pour la Paix et la Sécurité", qui évoque la coopération de l'Azerbaïdjan avec l'OTAN).

George Robertson: Monsieur le président, je vais l'étudier en détail, comme un cadeau précieux. Il faudrait que le livre suivant traite de nos relations. Vous y avez inclus la photo du Secrétaire Général de l'OTAN, ma photo. Merci. C'est un très beau cadeau, je vous remercie.

Journal "Azerbaïdjan", le 17 janvier 2001