Entretien de Heydar Aliyev, Président de la République d`Azerbaidjan avec Monsieur Anne-Willem Baylaveld, Directeur du Bureaud`Europe du Haut Commissariat pour les Réfugiés de l`ONU, lors de l`accueil des Délégués-résidents travaillant dans les pays de l`Europe de l`Est du Haut Commissariat - Palais présidentiel, le 18 mars 1999


Heydar Aliyev: Chers invités, je vous salue. Soyez les bienvenus en Azerbaïdjan, dans notre pays. C`est un plaisir de voir la nombreuse délégation de l`Organisation des Nations Unies.

Nous essayons toujours de coopérer étroitement avec l`ONU et ses institutions. Nous entretenons une coopération étroite avec le représentant permanent de l`ONU en Azerbaïdjan. De nombreuses questions nous intéressent dans cette coopération avec l`ONU. Les questions des réfugiés, des déplacés sont prioritaires parmi elles. Parce que vous savez très bien qu`à la suite du conflit arméno-azerbaïdjanais plus d`un million de citoyens sont devenus des réfugiés. Cela est un de nos problèmes les plus difficiles. C`est pourquoi nous accordons une attention spéciale à ce domaine d`interventions et j`apprécie l`arrivée en Azerbaïdjan des représentants de l`ONU chargés de ces questions. Je crois que vous apprendrez à connaître de plus près la condition des réfugiés et des déplacés en Azerbaïdjan. Et moi, je peux vous aider à ce propos.

J`ai décidé d`aller dans un de ces camps de réfugiés. Je peux vous montrer leur condition moi-même. Je vous en prie, je vous écoute.

Anne-Willem Baylaveld: Monsieur le Président, je vous remercie d`avoir accueilli notre délégation à la veille de la fête de Novrouz. Permettez-moi de saisir cette occasion pour présenter, à vous et au peuple azerbaidjanais, mes meilleurs voeux à cette occasion.

Monsieur le Président, Madame Agata, le Haut Commissaire pour les Réfugiés, vous salue par mon intermédiaire et voudrait vous informer qu`elle envisage de venir en Azerbaidjan cette année. Comme vous le savez, cela fait une semaine que je suis dans votre pays,-en Azerbaidjan. Au cours de cette semaine j`ai essayé de bien comprendre la situation des réfugiés en Azerbaidjan. Egalement, au cours de ces quelques jours, nous avons organisé des rencontres régionales - une réunion de nos représentants qui travaillent dans les pays de l`ex-URSS. Lors de ces rencontres nous avons tenté de bien cerner les meilleurs moyens pour résoudre la question des conditions de vie des réfugiés. Nous nous sommes efforcés d`étudier les problèmes généraux et avons examiné des cas séparément.

Lors de ces rencontres nous avons aussi partagé nos expériences et lors de cet échange d`expériences nous avons essayé d`examiner en profondeur les meilleurs chemins d`aide au gouvernement pour faire notre possible améliorer la situation des réfugiés dans l`avenir.

Heydar Aliyev: Très bien. Je vois que vous avez porté une attention particulière à l`Azerbaidjan. Vous avez réuni ici à Bakou tous vos représentants dans les pays de l`ex-Union Soviétique en Azerbaidjan. Je l`apprécie beaucoup.

Je présage que vous et vos représentants, qui sont en fonction dans ces différents pays, vous aurez pleinement appréhendé lors de ce séjour les problèmes de l`Azerbaidjan en faisant connaissance de près avec le pays et que des informations très approfondies seront communiquées à l`Organisation des Nations Unies.

Anne-Willem Baylaveld: Monsieur le Président, je dois dire que pendant notre séjour ici, Monsieur Ali Hasanov nous a beaucoup aidé et que nous avons effectué des visites dans différentes régions de l`Azerbaidjan, où nous sommes allés dans deux camps de réfugiés. Je dois noter que Monsieur Hasanov est une personnalité impliquée dans son travail. En effet, la vie des réfugiés, des gens expulsés de leurs foyers le touche profondément. Après avoir entendu et reçu des informations sur votre décret de l`année précédente nous étions très bienveillant. Parce qu`en application de ce décret vous aviez donné des instructions pour lancer de nouveaux travaux en faveur des réfugiés et des déplacés. A la suite de ce décret une relation étroite a été tissée entre le groupe de travail de votre gouvernement et de vos déléguésavec nos délégués et par notre travail nous nous aidons l`un l`autre et nous apportons notre aide pour améliorer les conditions de vie des réfugiés. Et à la suite de ces travaux de nos délégués ont élaboré un plan commun. Moi, je l`appellerais un plan final. C`est un très bon plan. Je souhaiterais qu`un tel plan soit aussi élaboré et réalisé dans d`autres pays.

Il y a quelques semaines que Akber Menementchioglu, notre représentant à Tibilisi, est à Bakou. Il prend connaissance de ce plan et s`en inspire profondément pour pouvoir le mettre en oeuvre en Géorgie. Je citerai le nom de l`Azerbaidjan à Genève à l`égard de ce plan. Je dirai à propos de l`Azerbaidjan que, en effet, à l`intérieur du pays, on accorde une grande attention et un grand soin aux personnes privées de leurs maisons natales, en attendant leur retour.

Monsieur le Président, nous avons un grand respect envers votre projet sur la réduction de la pauvreté et sur l`instauration de conditions d`existence plus favorables pour les réfugiés, ce qui est votre politique à long terme. De plus, la réussite de nos travaux, la coopération réussie entre votre gouvernement et l`Organisation des Nations Unies assureront l`implication des donateurs dans cette action. Je ne prends pas seulement en considération les donateurs que nous cherchons, mais aussi les donateurs que vous cherchez. C`est seulement avec l`aide des donateurs qu`on peut constituer les fonds nécessaires pour améliorer sensiblement les conditions de vie des réfugiés.

Monsieur le Président, souvent les donateurs hésitent beaucoup à venir ici et à investir. Ils évoquent comme raison principale qu`il n`y a pas de relations de coopération assez étroite entre le gouvernement et l`ONU. Mais je peux dire que nous avons de bonnes relations et que nous avons établi une bonne coopération et ceci est un signe favorable à la venue des donateurs.

Monsieur le Président, également, permettez-moi de vous présenter mes respects et de vous rendre hommage à propos de votre décret sur la citoyenneté. Celui-ci nous a fait l`effet d`une grande stimulation, c`est un décret qui offre beaucoup de perspectives. Nous avons une relation étroite avec les députés du Parlement, notre coopération est bonne. Nous travaillons surtout étroitement avec les membres de la commission du droit au Parlement et nous sommes très heureux qu`un progrès ait été apporté dans ce domaine par l`adoption d`une loi sur les réfugiés. C`est un grand plaisir pour nous que des démarches aient été faites aussi dans le domaine de la législation concernant les organisations non-gouvernementales et nous ferons tout notre possible pour vous assister dans ce domaine. Egalement, nous essaierons de renforcer votre relation avec le groupe de travail du Conseil de l`Europe pour que cette loi soit adoptée et soit ratifiée.

Monsieur le Président, ainsi, cela fait déjà 4 à 5 ans que notre Haut Comissariat pour les réfugiés travaille dans votre pays. Il est en relation étroite avec votre gouvernement. Je pense que pendant ce laps de temps nous avons pu faire un certain nombre de travaux pour améliorer la condition des personnes qui souffrent de leur état de réfugiés. Il reste néanmoins beaucoup à faire, et nous nous y attèleront avec une grande ardeur.

Heydar Aliyev: Je vous remercie. Y a-t-il quelqu`un de votre délégation qui veut s`exprimer? Il semble que non.

Encore une fois, je me réjouis de votre présence en Azerbaidjan et de ce que vos représentants dans les autres pays sont aussi avec vous en Azerbaidjan. J`ai écouté votre exposé avec une grande attention. Je peux dire qu`en effet la coopération entre l`Organisation des Nations Unies, votre Haut Commissariat et l`Azerbaidjan est une réussite. Si quelqu`un parmi les donateurs trouve que cette coopération n`est pas au niveau désiré, c`est qu`il est possible qu`ils ne connaissent pas la réalité. J`ai compris que vous alliez leur fournir les explications et les informations nécessaires.

Je souligne encore une fois que le nombre des réfugiés en Azerbaidjan par rapport au nombre de la population est très important. Selon les résultats du dernier recensement, la population présente de l`Azerbaidjan est d`à peu près 8 millions. Un million de réfugiés sur huit millions, c`est vraiment très lourd et très difficile. Vous savez que la plupart d`entre eux vivent sous des tentes. Il est difficile d`imaginer que les gens vivent sous des tentes non pas même un an mais qu`ils y vivent depuis cinq ans, parfois six ans. Mais ceci est la vérité, c`est la réalité. Je souligne que je suis toujours reconnaissant pour leur patience à nos citoyens qui ont été expulsés et qui vivent sous ce statut de réfugiés et de déplacés.

L`Azerbaidjan a mobilisé toutes les ressources de la nation pour alléger la vie des réfugiés et des déplacés. Mais vous savez que nos possibilités sont réduites. Imaginez-vous, 20% de notre territoire est occupé. Les terres occupées sont les terres les plus fécondes. Nous avons été privés de l`usage de ces terres. Les usines, les fabriques, les autres entreprises que nous avions construites auparavant dans ces territoires ont disparu et toutes les possibilités pour que les gens puissent vivre sont entre nos seules mains. C`est pourquoi nous avons toujours besoin d`aide.

Il est naturel que notre but essentiel soit de libérer nos terres occupées des forces occupantes, et de permettre le retour de nos citoyens dans leurs foyers. C`est dans ce cadre là que nous pourrons résoudre ces questions avec succès. Il est regrettable que nous n`ayons pas encore pu parvenir à atteindre cet objectif, et l`Arménie adopte une position non constructive à cet égard.

Il y a quelque temps le Conseil de Sécurité de l`Organisation des Nations-Unies a adopté quelques résolutions relatives à l`occupation des différentes régions de l`Azerbaidjan par les forces armées de l`Arménie: ces résolutions enjoignent un retrait sans réserve de ces terres occupées par les forces armées de l`Arménie. Mais jusqu`à présent, le gouvernement arménien n`a pas respecté ces résolutions du Conseil de la Sécurité de l`ONU. Il est évident que ces résolutions sont toujours en vigueur.

Vous savez que nous voulons résoudre ce conflit par la voie pacifique et nous coopérons activement avec le groupe de Minsk de l`OSCE. Mais ceci non plus n`a pas encore donné de résultats. En tous cas, notre tâche et notre but sont la libération des terres occupées, la restauration de l`intégrité territoriale de l`Etat d`Azerbaidjan et le retour de nos citoyens - les réfugiés et les déplacés expulsés de leurs foyers.

Il est clair que dans nos terres occupées toutes les propriétés de l`Azerbaidjan sont détruites. Mais malgré tout, les gens veulent rentrer sur leurs terres et nous croyons qu`après être rentrés sur leurs terres, en peu de temps ils pourront se recréer des conditions de vie acceptables. Il est clair que l`amour de la patrie, l`amour de leur terre, l`amour du pays natal est au-dessus de tout. Nous devons le garantir à cette partie de notre population. Mais nous n`en sommes pas encore là. Nous devons améliorer la condition des réfugiés et des déplacés et notre désir est que l`ONU approche ce problème avec plus d`attention, qu`elle déploie plus de soins et qu`elle augmente autant que possible ses aides humanitaires. Je crois que pendant votre séjour en Azerbaidjan vous avez été le témoin des faits qui vérifient mon opinion.

Je me réjouis que le représentant de l`ONU en Arménie soit aussi ici-à Bakou, en Azerbaidjan. J`estime qu`après avoir vu la situation des réfugiés et celui de l`Azerbaidjan il déploiera plus d`efforts en Arménie vers une résolution rapide du conflit arméno-azerbaidjanais.

Bref, nous nouerons une coopération plus étroite avec vous. Nous espérons, et j`y crois aujourd`hui, que vous - l`Organisation des Nations Unies - vous contribuerez désormais à la résolution de ce problème de l`Azerbaidjan et que vous accroîtrez votre aide pour améliorer les conditions de vie des réfugiés et des déplacés.

Anne-Willem Baylaveld: Monsieur le Président, merci beaucoup. Je veux vous assurer par avance que nous avons entamé notre activité et que nous l`augmentons. Nous avons parlé avec certains des donateurs et j`espère que notre coopération sera bonne. Mais je voudrais vous demander de présenter les mêmes requêtes auprès des donateurs, demandez-leur ce que nous leur avons demandé. Parce que l`expérience montre que les demandes de votre gouvernement et celles de l`ONU, effectuées séparément, ne sont pas tellement efficaces. C`est pourquoi nous - le gouvernement et l`ONU - devons soumettre nos demandes ensembles aux donateurs et essayer de leur faire comprendre la nécessité de leurs dons.

Monsieur le Président, nous comprenons très bien que les réfugiés et les déplacés sont une lourde charge pour le gouvernement. Mais, croyez-nous, la question de l`aide humanitaire est aussi difficile.

Monsieur le Président, votre décret constate ce que nous disons. L`aide d`urgence ne suffit pas pour les réfugiés. Pour améliorer vraiment leur condition il faut les impliquer dans des travaux et, de ce point de vue, nous sommes très heureux que l`Organisation des Nations Unies oeuvre conjointement avec la Banque Mondiale sur cette question, et nous déployons tous nos efforts pour résoudre ensemble ce problème. Notre politique à cet égard est que nous ne voulons pas qu`ils demeurent toujours dans cet état de besoin. Nous voulons qu`ils deviennent des producteurs. De plus, nous espérons beaucoup que ce problème sera résolu. En tant qu`agence humanitaire nos possibilités sont réduites. Mais dès qu`une solution politique à cette question sera trouvée nous serons avec vous. Nous serons votre plus proche assistant.

Heydar Aliyev: Je vous remercie, merci beaucoup. Je déclare encore une fois que nous mobilisons toutes nos possibilités pour améliorer la situation des réfugiés. Nous avons déjà beaucoup accompli pour les impliquer dans la vie active et je vois que vous avez conscience de cela. Mais tout cela n`assure pas l`amélioration de leur état. Nous le devons pour eux.

Nous allons nous adresser directement aux donateurs. J`agrée à cette proposition que vous avez lancée. Il est probable qu`Ali Hasanov préparera des propositions concernant ce point. C`est à dire que vous et nous devrons utiliser toutes les voies possibles.

Erdjan Mourad(le coordinateur-résident de l`ONU en Azerbaidjan): Monsieur le Président, nous nous sommes mis d`accord avec Monsieur Ali Hasanov pour organiser un séminaire international à Bakou le 5 mai. Le but de ce séminaire est clair, comme Monsieur Baylaveld vient de le noter. Il faut réussir la mise en œuvre, ensemble, en utilisant l`aide de la Banque mondiale, du programme basé sur les propositions que votre gouvernement va adresser aux donateurs, mais aussi en direction de la résolution du problème des réfugiés et des déplacés. Quelques questions d`organisation ont été déjà envisagées. Dans les deux jours nous enverrons des invitations aux donateurs à Bakou, aux ambassades à Moscou et à Ankara, également à d`autres centres de donateurs en Europe, en Amérique. Nous avons la ferme intention que ce soit un séminaire qui aille dans le bon sens.

Heydar Aliyev: C`est une très bonne initiative. Je soutiens cette initiative et je suis prêt à vous assister à cet égard. Je vous souhaite à tous une bonne santé. Je vous félicite à l`occasion de la fête de Novrouz et vous souhaite beaucoup de succès dans tous vos travaux.

(Ensuite Heydar Aliyev a posé des questions à Lars Thomas Birat sur la situation sur l`Arménie, ce dernier étant représentant du Haut Commissariat pour les Réfugiés de l`ONU à Erevan).

Lars Thomas Birat: On ne peut pas dire que la situation est bonne. Comme ici, là aussi - à Erevan comme dans les autres régions de l`Arménie - l`ONU et les autres organisations internationales essaient de faire leur possible pour que la situation s`améliore. Bien sûr, ma venue à Bakou a été une chance irremplaçable pour moi. Je suis venu et j`ai vu tout cela avec mes propres yeux.

Heydar Aliyev: Essayez qu`ils libèrent les terres occupées. Dans ce cas-là les problèmes pourront être résolus plus rapidement. Merci.

Traduit du journal "Azerbaïdjan", le 19 mars 1999