Heydar Aliyev: Cher monsieur Libaridian, dans les années passées nous avons coopéré avec vous pour régler le conflit arménien-azerbaïdjanais par la voie pacifique. Malheureusement, nous n`avons pas pu resoudre ce problème. Notre coopération ne nous permet pas nous faire avancer ne soit-ce qu`un peu.

Je vous ai rencontré la dernière fois en Allemagne. Nous y avons eu un entretien détaillé. Cela veut dire que si nous réglons au plus vite le conflit arménien- azerbaïdjanais et si le conflit est liquidé cela profitera à l`Arménie et à l`Azerbaïdjan également. C`est dommage que nous n`avons pas pu y arriver. Cependant aujourd`hui également nous observons l`ancienne attitude, donnant la préférence au règlement pacifique du conflit.

Je considère que si nous levons les obstacles artificiels alors nous pourrons arriver à ce que nous voulons. 10 ans se sont écoulés du début du conflit, en février il y aura 11 ans. Il me semble que du point de vue d`histoire c`est un délai assez grand pour que les parties arménienne et azerbaïdjanaise puissent concevoir que cette situation ne peut durer éternellement.

Aujourd`hui également nous sommes partisans de la résolution immédiate du conflit, de sa résolution équitable. L`intégrité territoriale de l`Azerbaïdjan doit être restaurée, doivent être libérées les terres azerbaïdjanaises occupées par les forces armées arméniennes, les citoyens azerbaïdjanais chassés de leurs lieux d`habitation doivent y revenir et le haut statut d`autodétermination doit être attribué au Haut Karabakh au sein de l`Etat azerbaïdjanais. J`espère que nous fassions plus d`efforts pour arriver à atteindre cet objectif.

Je sais qu`il y a un certain temps vous avez abandonné votre emploi en Arménie et pour le moment vous vivez en permanence aux Etats-Unis d`Amérique. Vous vous êtes un peu distancé de la situation, à présent vous avez la possibilité d`examiner ces questions plus équitablement. C`est pourquoi, il se peut que maintenant vous pussiez donner des conseils plus utiles. En rapport avec cela, j`apprécie votre initiative de venir en Azerbaïdjan. On m`a dit que vous êtes venu ici pour la première fois. Cela veut dire qu`il est encore plus important pour vous de voir le pays de vos propres yeux, le pays que vous n`avez pas vu, mais avec lequel vous avez coopéré.

J`apprécie votre initiative. Je considère que pendant votre séjour en Azerbaïdjan vous pourrez continuer les négociations avec votre ancien homologue Vafa Goulouzadé, vous pourrez avoir un échange de vues.

Jiraïr Libaridian: Monsieur le Président! Merci beaucoup. C`est un grand honneur pour moi d`être présent ici, je suis heureux que vous m`ayez reçu. Vous avez très bien remarqué que j`ai un peu changé d`avis. J`ai été venu en Arménie pour travailler pour six mois. Ensuite ces six mois se sont transformés en sept ans. Mon ancien chef Ter-Pétrossain m`avait dit: tu es un bon historien mais tu n`es pas un bon mathématicien. C`est pourquoi je te dirai quand les six mois s`écouleront». Après, j`ai dû le convaincre que sept ans c`est vraiment un délai beaucoup plus grand que six mois et je dois retourner dans ma famille. Puisque j`ai pu travailler sept ans et pendant mon travail ma famille m`a soutenu, cela veut dire que nous étions fidèles à la cause du règlement du conflit par la voie pacifique.

A présent, je suis une personne libre, je suis ici en tant que représentant de l`institut Est-Ouest et aussi de l`Institut Arex à Washington. A présent j`écris un livre. Cette année je vais le terminer. Le livre est sur ce conflit. Je veux écrire ce livre d`une telle manière que toutes les positions y soient définies équitablement. Je veux montrer que ce petit conflit se transforma en conflit de deux personnes, de deux peuples, après en conflit régional et ensuite en conflit militaire.

En même temps dans mon livre je veux refléter différents points de vues. Je veux y réserver une place à l`utilisation de plusieurs procédés dans le problème de la résolution du conflit. Je vais montrer dans le livre comment les différents Etats se sont joints à la médiation dans le cadre de ce problème et quel rôle ils ont joué dans cette médiation.

Il me semble que cela soit parfait d`avoir cette possibilité de réfléchir et d`écrire. Je pense que vous également et mon ami Vafa Goulouzadé le compreniez bien. A présent j`ai eu la possibilité de travailler librement.

Etre une personne libre - cela ne veut pas dire que j`ai perdu l`intérêt pour cette région et que je ne m`intéresse plus au conflit. A la première occasion je lis au sujet de cette région, de ce conflit, je suis prêt à rencontrer toute personne y compris vous, pour avoir une vision plus nette de ce problème, pour que je puisse examiner plus en détail les questions fondamentales, liées à ce conflit.

Monsieur le Président, vous avez très bien noté que quand on n`est pas autour de la table des négociations, on a plus d`options pour y réfléchir. Il me semble que ce que j`ai écrit va aider ceux qui veulent mieux comprendre le conflit et le résoudre.

Je n`ai aucun doute que les parties impliquées dans ce conflit veuillent le résoudre. Je pense que tous les citoyens impliqués dans ce conflit et tous les citoyens vivant dans cette zone, tous les citoyens du monde ont le droit de vivre en paix. Il faut pour cela une volonté politique. Malheureusement, au cours de ces sept ans de mon activité, cette volonté politique ne s`est pas manifestée. Il me semble qu`actuellement, recouvrant les forces, nous devons arriver à une décision politique commune.

Il est clair que cette décision doit être basée sur le compromis. Je pense que les questions principales – la manière dont ce problème sera résolue, - doivent demeurer à l`écart. Il m`est également clair, et il me semble que cela soit clair à plusieurs personnes, mais malheureusement pas à tout le monde – que nous devons approcher ce problème dans son ensemble de telle manière que le peuple arménien ne soit pas en permanence en état d`hostilité avec ses voisins. C`est pourquoi il me semble qu`on ne puisse pas résoudre le problème en recourant à la force, on ne puisse le résoudre que par les négociations. La conséquence en sera que les peuples voisins ne seront plus ennemis. L`indépendance recouvrée par ces pays leur donne la possibilité de vivre dans les conditions de la paix, de la coopération régionale et de l`amitié. En même temps, les peuples de ces pays auront la possibilité de ne pas répéter les actes, qui furent à la source de la tragédie.

J`appréciais beaucoup la coopération avec mon ancien homologue et mon ami pour la vie Vafa Goulouzadé. Je me rappelle parfaitement notre rencontre avec vous en juillet 1996 à Bonn. Je me rappelle que c`était l`heure très avancée. Votre avis, vos réflexions, conditions ont concouru à continuer nos négociations par la suite et j`apprécie beaucoup ce fait.

Pour le moment je suis un citoyen libre et je dis à tous mes anciens collègues de tous les pays que mon intérêt pour la solution de ce problème, mon inquiétude liée à cette question n`ont pas faibli. Bien sûr je ne veux pas dire quoi que ce soit pouvant nuire à ce processus. Cependant, je considère que si je fasse une démarche et je dise quelque chose cela sera utile à tous.

En novembre de l`année passée on demanda à moi et aux écrivains azerbaïdjanais de présenter les avis sur le problème et de les envoyer à l`OSCE. Je continue ce travail. J`espère que les débats ne soient pas du caractère rhétorique, contradictoire, qu`ils soient tenus dans l`ambiance de bienveillance. A mon avis, pour la solution du problème il est très important de concevoir la vision, l`avis des autres et moi en tant que personne libre je veux le faire.

Je ne crois pas que les parties, peuples impliqués dans le conflit soient intéressés à le faire durer et que le temps travaille au profit de quelqu`un. Toutes les parties impliquées dans le conflit rencontrent les différentes difficultés. Les conflits et les guerres nuisent à la compréhension par les gens de la réalité, du monde. Je veux que tout enfant habitant cette région ait les mêmes possibilités de vivre bien, d`avoir l`éducation comme ma fille. En général pour moi le point de départ et le point final furent toujours des enfants, puisque les enfants c`est l`avenir de la vie. Nous nous fâchons souvent, mais nous sommes adultes et il est difficile de nous changer. Nous devons présenter à tous les enfants de belles chances pour la vie. Qu`ils grandissent sans haine les uns envers les autres.

Je vous remercie encore une fois pour cette rencontre. Il me semble que vos efforts et les efforts des autres et la vision générale réaliste - c`est un dispositif qui conduira au règlement de ce conflit.

Heydar Aliyev: Je suis content que vous et nous également ayons une approche identique du problème. Cette approche consiste en ce que la continuation du conflit ne profite et ne profitera à personne. Nous devons faire des efforts à résoudre le conflit le plus vite possible et créer dans la région la paix et la tranquillité.

J`ai déclaré plusieurs fois que l`Azerbaïdjan n`a pas d`envie de vivre en permanence en état d`hostilité avec l`Arménie. J`espère que l`Arménie soit du même avis. Puisque nous, indépendamment de nous-mêmes, c`était par les caprices du sort que nous vivons dans une région et sommes les voisins. Personne ni en Arménie, ni en Azerbaïdjan ne renoncera à ce voisinage. Cela veut dire que comme nous avons été les voisins jusqu`à présent, dans le futur au cours des siècles nous resterons les voisins. C`est pourquoi il faut restaurer les relations.

Ceci est sans doute lié au règlement du conflit. Je suis sûr que si nous y parviendrons, les relations entre l`Arménie et l`Azerbaïdjan vont se régulariser pendant un court délai et alors les deux pays indépendants pourront coopérer fructueusement. Et notre situation dans la région deviendra normale.

Traduit du journal "Bakinski rabotchi" du 15 mars 1999